Elle s'interrogea sur la précision du vocabulaire qu'il utilisait pour la décrire, sur la finesse de ce scalpel et sa froideur, et elle se dit qu'elle avait été disséquée par le langage toute sa vie. La grammaire de ceux qui l'avait estimée et vendue, de ceux qui l'achetaient, ne fût-ce que pour un moment, était le langage de la race et du sang, du mélange et de l'enchaînement, un langage qui l'avait déchirée, fibre après fibre, tout au long de sa vie, avec des mots - exacts ou non - tels que mulâtre et métisse, quarteronne et octavonne. Comme si tous ces gens, sans exception, éprouvaient le besoin de la relier à ses racines et la fixer dans un endroit précis de leur taxinomie et ainsi s'expliquer sa présence dans leur monde.