Lasha Otkhmezuri

Qu’ai-je appris de tout cela ? Beaucoup. Ma participation à la guerre a totalement changé le regard que je portais sur la vie. Pendant les vingt-cinq dernières années, je n’ai pensé qu’à réussir dans les affaires, dans ma vie personnelle. Pendant ces vingt-cinq ans, je me suis cru heureux, satisfait de vivre une existence prospère, d’avoir une femme que j’aime et de brillants enfants. Lorsque mon aîné a été désigné meilleur étudiant de l’année à faculté de médecine de Kyiv, nous avons été si fiers !
Cette guerre m’a obligé à rebattre les cartes, elle a modifié mon échelle de valeurs. Car c’est un fait, aujourd’hui, je ne pense plus aux affaires ni … disons que mes pensées envers ma famille ne sont plus aussi constantes … et pourtant, je veux vivre encore pour eux – mon petit dernier n’a que onze ans et je sais qu’il a encore besoin de moi. Ma fille et mon fils aînés ont aussi besoin de leur père. Reste que la guerre a complètement bouleversé mes priorités. Mais ne vous y trompez pas, il ne s’agit pas de priorités plus nobles … non, pas du tout. Là, je vous parle de la peur. C’est la peur qui envahit toute ta conscience quand tu es en première ligne, la « ligne zéro » comme nous l’appelions. La peur et l’instinct de survie. Au front, tu ne penses qu’à une chose : comment sauver ta vie et comment sauver celle de tes frères de combat.