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Citation de MegGomar


Chaque année, des milliers de personnes venaient déverser leurs mots à
Bell Gardia.
Beaucoup étaient comme elle des rescapés du 11 mars 2011, originaires
d’Ôtsuchi pour la plupart. Mais d’autres avaient perdu des proches à la suite
d’une maladie ou d’un accident de voiture ; des vieux venaient ici parler à
leurs défunts, morts pendant la Seconde Guerre mondiale, des parents à
leurs enfants disparus dans le néant.
« Un jour, un homme m’a dit que la mort est une chose vraiment
personnelle…, avait raconté M. Suzuki. D’une certaine manière, nous
construisons nos vies en miroir de celles des autres. La mort, c’est différent.
Tout le monde y réagit à sa manière… »
Yui marchait lentement, en prenant garde à ne pas piétiner de plantes.
Elle se demanda si l’homme dont parlait le gardien n’était pas celui qui était
intervenu dans son émission.
La vigueur avec laquelle le vent soufflait à Bell Gardia l’étonna : on
aurait dit qu’il prenait son élan pour bouleverser le paysage.
Elle se dit alors que la fonction du combiné n’était pas de canaliser les
voix vers une unique oreille, mais bien de les diffuser dans les airs. Et si
tous ces morts, rappelés à la vie ici-bas, se tenaient par la main dans l’au-
delà ? Et s’ils finissaient par nouer des liens et par vivre des histoires dont
les vivants ignoraient tout ?
Comment expliquer autrement une telle grâce ? Ici, la mort semblait si
belle.
Tout en flânant dans le jardin, Yui les imagina rassemblés comme pour
l’appel à l’école, levant la main en entendant leur nom et faisant
connaissance. Sa fillette jouait peut-être avec la femme de M. Fujita, elles
chantaient peut-être ensemble, se recréaient un monde où, tandis que les
survivants veillaient les uns sur les autres, les défunts aussi s’aimaient et
allaient de l’avant, accumulant les années. Pour finir, ils mouraient. À
l’instar du corps, l’âme devait s’user.
Cette pensée la troubla, comme si quelque chose de fondamental s’était
produit pendant sa rêverie.
Assise sur une souche, Yui déplia les doigts sur ses genoux. Elle les
regarda. Son enfant continuait-elle à marcher, soutenue par la main de
quelqu’un d’autre ?
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