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Citation de MegGomar


La même nuit, Yui se remémora un vendredi, cinq ans auparavant.
Elles étaient dans un train, sa fille n’avait pas encore deux ans, elle
hurlait et Yui tentait en vain de la faire taire. Elle ne savait plus si la petite
criait de joie ou de désarroi, si elle réclamait quelque chose qu’elle lui
refusait (un petit gâteau ? son portable ?) ou si c’était simplement une façon
d’exprimer son excitation. En tout cas, sa voix suraiguë cinglait les parois
du wagon et semblait ne jamais devoir se calmer.
C’est alors que quelqu’un avait hurlé : « Silence ! Tais-toi ! »
Yui s’était retournée et avait vu un homme bedonnant à la tignasse
blanche et aux yeux cerclés par des lunettes à large monture ; des yeux
ordinaires, sans expression particulière.
Avant même de se retourner, Yui avait d’instinct lancé une excuse. Elle
était habituée à le faire d’emblée. Avec les enfants, il fallait vite apprendre à
courber la tête et à demander pardon – au fond, ce n’étaient que des mots.
Cependant, la réaction des autres passagers, y compris celle de sa fille,
l’avait stupéfiée. Un silence de plomb était tombé dans le wagon tandis que
tous retenaient leur souffle. Quand soudain, venant d’une autre tête blanche,
tout au fond, un chant s’était élevé :
« Zô-san zô-san… Petit éléphant, petit éléphant au nez si long… »
Un rire perlait dans cette voix ; plus étonnant encore, après la deuxième
strophe de la comptine, une autre voix s’était jointe à elle, puis une autre, et
Yui, tout émue, avait vu l’éléphant se matérialiser devant elle, avec sa
trompe, ses pattes comme de la terre cuite, et tout le reste.
Le wagon entier s’était mis à chanter : sa fille et elle se retrouvaient au
beau milieu d’une fête somptueuse.
L’homme qui avait voulu réduire la petite au silence se taisait. En
cherchant à étouffer une petite voix, il en avait par inadvertance soulevé
tout un chœur.
En éteignant sa lampe de chevet, Yui sourit en songeant que sa fille
possédait un pouvoir phénoménal ; que tous les enfants, sans exception,
avaient le don de susciter des réactions miraculeuses.
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