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Citation de lesdefricheurs


La saveur âcre de l'expresso glissa sous sa langue et le rassura. Il leva la tête, considérant la confusion qui l’entourait : des bouteilles rangées sans logique évidente, des marques de vins inconnus, les petits drapeaux du stade toulousain, une affiche écornée vantant un beaujolais passé, une autre qui l'amusait : Faut garder la pression... Et le ton vieille ambiance suggérée par les lustres art-déco, tout ce désordre, mais juste ce qu'il fallait, pour lui donner soudain l’envie de rester ici un bout de jour, à siroter des cafés, lire le journal jusqu'au dernier article, jusqu'à la dernière annonce, fumer sur le trottoir en bavardant avec Moammar aux pieds gelés, lui acheter un magazine, et se plonger dans une enquête du genre « comment trouver la femme de sa vie », remplir quelques grilles de sudoku en dégustant un steak-frites, discuter avec un voisin de tablée de la parano grippale, noyer le bouquet d'un camembert dans une gorgée de la cuvée maison, parler franchouillard avec Jacques après le service et s’assoupir dans cette caverne pour enfin ne plus penser à rien. « Mince alors, je ferais bien ça ! » Et il partit retrouver sa place habituelle dans l’angle de la véranda. Des rais de pluie fine se précipitaient sur la verrière. Devant lui, derrière la vitre, il observa le vendeur de jeans dérouler son auvent pour couvrir ses porte-cintres. « Allez Antoine tente le coup, tu verras bien. Qu’as-tu à perdre ? Tu t’es fait rembarrer ? Pas vraiment. Non pas vraiment . Tu as été lourd, très lourd. Mais tu vois bien que Léa... Enfin tu le sais bien. C'est elle, forcément. » La vieille femme de la station émergeait en haut de l’escalier, s'accrochant à la rampe, crapahutant en traînant son cabas en cuir fauve, veiné de nombreuses cassures. « Elle a dû se faire virer. » Il la suivit des yeux. Elle marquait une pause, soufflait un peu en posant son sac en équilibre sur un vélo cadenassé à la grille, et semblant se perdre un instant dans la contemplation d’une publicité SNCF apposée au verso du plan des lignes : Prenez le train, le ciel vous le rendra... Puis elle repartit en secouant la tête, clopina vers l’arrêt de bus et disparut.Dans l'écriture de Laurent Bonnet , rien n'est laissé au hasard, les tournures, les virgules, les respirations, la sémantique, et cette fin magnifique, presque philosophique qui fait réfléchir et relativiser.
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