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Critiques de Léo Coutellec (1)
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Le futur de la santé

La prédiction n'est qu'une version parmi d'autres de l'anticipation. Ce qui est tenté ici est une « rupture temporelle », non seulement avec les déterminations du passé mais aussi avec une certaine « compatibilité » avec le présent, qui borde un champ des possibles…



Le dispositif expérimental est un ensemble de fictions réfléchies par les commentaires de plusieurs spécialistes des humanités. Les deux parties ne se concertent pas, et le point de départ est la « sous-détermination ».



Exemples : la malade sans entourage, la maladie sans symptôme, une santé sans médecin, une médecine sans maladie, une santé sans standard, et enfin la médecine sans médicament…



Mais plutôt qu'une rupture, on expérimente une énorme tension qui rappelle la présence de déterminations ;

Du côté des fictions, on se doutait déjà du problème « Quand un rêveur parle, qui parle, lui ou le monde ? » (Bachelard)

Du côté des commentaires, on joue le jeu, mais il est presque impossible de « débattre de l'impossible » alors qu'une multitude de contre-scénario possibles vous tend les bras…



C'est le moment propice à « l'invention conceptuelle ». « Faites rhizome et pas racine » disaient Deleuze et Guattari ; voir aussi leur concept du « corps sans organe », ou champ d'immanence du désir ; voir encore l'expérience « n-1 », ou sous-détermination, ou comment faire le multiple à force de sobriété…

Mais si on ne trouve pas trace de ces deux auteurs parmi les abondantes citations dans ce livre, c'est qu'ils ont dû entrer dans « l'expérience »…



Ce n'est certes pas le capitalisme, qui est au centre de la critique, mais le débat oppose encore les humanités au déshumanisé ; on parle du néolibéralisme ou biopolitique. Les scénarios en sont s'y bien imprégnés, qu'un meta-scenario commun émerge : « La responsabilisation est individuelle et imposée d'en haut »…



« Les avancées de la biomédecine ont évincé tous les maux à la racine … Que demander de plus ? »

La réponse devait être triviale, d'après les calculs, ou à partir d'une certaine conception du pragmatisme, trop directe pour être honnête…



Or ce livre nous rappelle qu'on n'échappe pas à un questionnement sur sa propre conception de la liberté. Trois situations peuvent nous y aider : la responsabilisation autoritaire, ou par incitation, ou encore par transfert (dérégulation)…



A la limite, derrière le motif très sérieux de la prévention, on peut trouver la mauvaise foi. Dans ce cas, voyons si on peut appliquer une fiction glaçante pour se désengluer d'une situation actuelle, et se rapporter à autrui différemment...



Voici le résumé d'une scène publique édifiante :

Un homme était à table en famille dans un hôtel de thalassothérapie. Tous les gens le regardaient, terrorisés. Jovial, en buvant son 2ieme verre de vin, il avait manifestement dépassé les bornes. Et en effet, il ne tarda pas à recevoir un message sur son smartphone lui indiquant que le remboursement de son séjour était annulé :-(…

Charline, qui avait tout observé, conclut : « Là, j'ai compris, le maintien en bonne santé, c'est mon affaire, ma responsabilité et je dois donc aussi en assumer les conséquences, positives mais aussi négatives. »



Ces fictions biopolitiques mettent en scène une étrange chosification, l'ignorance de la générosité dans les rapports à autrui comme dans les rapports à la santé. Mais au fond, ça ne peut être qu'un jeu. « C'est l'abus possible de la santé qui est au fond de la valeur accordée à la santé, comme, selon Valéry, c'est l'abus du pouvoir qui est au fond de l'amour du pouvoir. ». (Canguilhem)…



Ce jeu est certes malsain : loin en effet de « l'éviction des maux à la racine », la fiction trouve des maux étranges. Sans symptômes, et même sans maladie, l'individu est plus que jamais un malade en puissance, et doit assumer les conséquences imposées par des normes, sous peine d'être qualifié d'anormal ou d'inadapté. Dans une santé dérégulée, livrée à l'économie de marché, on dira sans doutes des malades qu'ils sont inadaptés. Là encore, on pourrait poursuivre la critique avec Canguilhem dans « Le normal et le pathologique »…



Mais ça ne peut être qu'un jeu : « les avancées de la biomédecine », qui devaient évincer tous les maux, n'ont aucune chance de se produire, aussi longtemps que les rapports vivants sont chosifiés, édulcorés…et donc joués, car « nous sommes condamnés à être libre ». Et c'est pour ça, précisément, que des avancées se produisent malgré tout…



Ce qui nous amène à l'engagement politique : le conservatisme des médecins est visé, ainsi que le laisser-faire du public ; il y a un esprit de sérieux qui se dit libéral, en toute mauvaise foi ;

Je pense à la conception radicale de la liberté chez Sartre ;

Et à cet instant, je me souviens aussi de l'énorme émotion que m'avait procurée le film « Demain » ; une sorte de résonance magique s'était produite ; ce qui permet de reconnaître à ce film un vrai “caractère performatif”…

Ici, l'utopie à activer, est une médecine "détachée de ses coûts" et considérée comme un bien public incommensurable…



Ce qui est drôle, c'est qu'à la limite, le risque, la catégorie reine de la « société du risque », est le trait d'union idéal des conservateurs et des activistes : ces derniers étant surtout disposés à prendre des risques, tandis que les premiers seulement à les gérer ; ils peuvent même inverser les rôles, pour l'amour du risque…



Dans l'expérience proposée, le futur de la santé «n'est plus simplement un temps, mais aussi un mode de présence» ; ce que l'auteur appelle “une éthique de l'anticipation” ou “comment prendre soin du futur”…

A-t-on oublié la situation actuelle ? Tant mieux, l'idée est d'établir un rapport neuf ;

La « plasticité » des images proposées dans ce livre, permet de travailler en profondeur les croyances, parmi celles qui sont le moins questionnées. Je n'en attends pas plus d'un livre de philo.
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