Accoudé
Extrait 2
Mais nous serons forts, mon âme. Je serai le boulon et toi l'écrou,
et nous pourrons, mille et mille ans encore, nous approcher des vagues ;
nous pourrons nous accouder à cette fenêtre de détresse. Et puis, dans
le murmure de notre attente, un soir pathétique, quelque créature viendra.
Nous la reconnaîtrons à sa pureté clandestine, nous la devinerons à sa
fraîcheur de paroles. Elle viendra fermer nos yeux, croiser nos bras sur
notre poitrine. Elle dira que notre amour, tout cet amour qu'on n'a pas vu,
tout cet amour qu'on a piétiné, qu'on a meurtri, oui, que notre amour n'est
plus que notre éternité.
Alors, mon âme, tandis que je serai allongé et déjà bruissant, tu iras
t'accouder à la fenêtre, tu mettras tes beaux habits de sentinelle, et tu
crieras, tu crieras de toutes tes forces !
On entendra
Qui est cet On ?
Qui ? demandes-tu ?
Mais toutes les âmes le savent.