Juillet 1914, Moscou, Russie.
Un inconnu qui aurait visité la caserne ce jour-là, et qui se serait placé au milieu de la cour en simple observateur, aurait sans doute pris les paysans déguisé en fantassins et tout à leur manœuvre pour l'expression la plus aboutie d'un patriotisme aveugle et romantique. Et il n'aurait pas résisté à l'envie d'approcher l'aile des officiers. Les sabres s'y entrechoquaient au rythme des ordres d'attaque et de parade que déclamait la voix de baryton du sous-lieutenant et maître d'armes Sergueï Arkiadevitch Dilinsky.
Les officiers alignés sur deux rangées se faisaient face dans une grand salle voutée. Le sous-lieutenant arpentait la pièce de long en large et inspectait ses recrues :
- Attention à votre menton...et surtout à votre flanc gauche. Sergent Alexeï Simonovitch, plus de tenue dans vos avant-bras, nom d'un chien ! Sergent Dimitri Alexandrovitch, vos jambes seraient-elles en plomb ? Votre poignet ! Sergent, votre poignet ! Bien, sergent-chef, bien...
Feodor Ivanovitch, l'aide de camp du colonel, tenta de se faufiler discrètement dans la salle. En l'apercevant, les officiers cessèrent de croiser le fer et le saluèrent.