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Citation de Partemps


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D’où viennent-elles ces branleuses qui reprennent ici le vieux mythe auroral ? Telle est la force des mots les plus salés que je rêvais jadis à cette amante de Céphise [12] pour ce qu’elle avait des doigts de rose. Heureux Céphise, moi, renversant l’image, je m’expliquais les doigts par l’aurore, au contraire des professeurs, et cela m’est revenu plus tard devant des mains qu’avait rougies la vaisselle ou la couture. D’où viennent-elles, ce n’est pas la première fois que je me le demande, portant un grand trouble dissimulé ? Il n’est pas vrai que rien ne les distingue des autres femmes, et moi qui n’ai jamais su comment occuper ces terribles trajets à travers Paris j’ai fini par les deviner, car j’aimais ces rencontres, et j’étais tenté par ces femmes d’une façon qui ressemble au vertige. Elles n’appartiennent à aucune catégorie sociale précise, ce qu’elles ont de commun n’est pas affaire d’audace ou de maintien ; peut-être est-ce l’âge, car je n’ai jamais rencontré de femme très jeune, ou vraiment vieille qui se livrât à cet exercice public. Elles sont à la veille de se défaire, elles sont déjà marquées par une mort pire que la mort, ce sont des femmes qui savent déjà, un peu avant autrui, qu’elles ne sont plus qu’une façade. Et ce que vous prenez pour la pierre n’est qu’une poussière en équilibre, un souffle renverserait l’édifice. J’adore les femmes à ce moment-là, jamais elles n’ont sur moi un pareil pouvoir dans l’éclat de la jeunesse, et faut-il qu’elles le sachent bien, car il est rare que ces promeneuses émouvantes dont je parle passent près de moi sans hésiter au moins. Parfois la main est devenue un peu sèche, on ne s’y attendait pas, et cette sénilité locale excite l’homme qu’elle atteint. Qu’ont-elles entendu dire des hommes toute leur vie ? Rien peut-être qui autorisât ce courage qu’elles ont dans l’attaque, cette sûreté dans le choix. Mais elles n’ont écouté personne, et sans tenir compte de l’idée courante de la vie, sans un mot, elles sont sorties de chez elles, où j’imagine dormir des enfants, elles se sont regardées rapidement dans une glace pour s’assurer que la catastrophe n’est pas encore arrivée, elles ont pris le métro, et au travail ! Le geste de leurs doigts chercheurs le long des corps vers les braguettes dit tranquillement non à tout ce qui les a toujours entourées, dit non à tout un monde de mensonges et de sottises, dit non à la pureté prétendue, non au mariage, non au faux amour, non au dieu qui punit, non à la police, non à qui leur parlera tantôt dans des appartements à draperies, non à la vieillesse qui vient, non à ce qu’elles ont pu croire, non aux espoirs anciens et aux désirs futurs, non à ce qui est bleu bébé, tendre rêve, cher sourire.
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