Louis Racine

Le plus long poème de Louis Racine. Publié en 1742, soit vingt-ans après La Grâce, son premier poème, Louis Racine relève un défi de taille avec cette œuvre monumentale (six chants!) faisant un total de 2686 vers (le premier chant en comporte 456, le second, 502, le troisième en abrite 492, le quatrième en compte 440. le cinquième et le sixième chant se composent respectivement de 422 et 374 vers). La Religion renferme une cosmogonie dont le but est d'expliquer l'origine de l'univers et qu'il obéit à la loi de Dieu. Louis Racine était un chrétien rigoureux. Il savait que les Lumières n'étaient pas favorables à la religion, avec l'émergence de courants mondains. Aussi tente-t-il avec La Religion d'éclairer les hommes en les amenant sur le chemin de la foi. La démarche du poète est pacifique: l'incrédule qui n'a pas encore découvert au fond de lui-même la foi n'est pas son ennemi, bien au contraire; seuls les fanatiques, les usurpateurs et les adeptes de sciences occultes font l'objet de critiques impitoyables. Louis Racine se fixe comme mission de redorer le blason d'une religion malmenée depuis le litige ayant opposé les Solitaires de Port-Royal aux Jésuites, lors de la crise du Jansénisme. Parce que l'on a très peu d'éléments concernant la vie de Louis Racine, j'ai constaté un contresens très récurrent dans les rares travaux de recherches consacrés à cet auteur injustement méconnu de nos jours: on voit immédiatement en lui un janséniste. Or Louis Racine n'a jamais soutenu la doctrine janséniste. C'est la doctrine de l'augustinisme de Port-Royal qu'il entend réhabiliter avec son poème.





Les six chants de la Religion remplissent chacun un objectif bien défini: le premier s'attache à prouver l'existence de Dieu. Pour ce faire, Louis Racine démontre que la présence de Dieu habite la Nature: tout en elle nous ramène vers Dieu! le second chant, plus intimiste, relate la vie de chrétien du poète qui insert des éléments autobiographiques dans son poème, afin de montrer comment il a découvert la foi inébranlable qui imprègne son poème. Les troisième et quatrième chants s'en prennent à la pensée des déistes en démontrant ses failles. le dernier chant s'adresse aux indécis qui hésitent encore. le poète s'emploie à les convaincre de la nécessité de découvrir la foi, ce qui aboutit à l'apothéose de la religion dans les vers qui clôturent le poème. Louis Racine s'attache à montrer qu'une vie rigoureuse de chrétien n'est pas hostile au bonheur; bien au contraire, elle aide le chrétien à s'épanouir, à reconnaître le cosmos ordonné par Dieu et à l'accepter. Ce cosmos est synonyme d'une perfection que seul Dieu peut atteindre. Seuls les hommes ne parviennent pas encore à s'intégrer à cet ordre: certains s'égarent, notamment les philosophes dont Louis Racine dénonce les erreurs. Louis Racine fut tout le long de sa vie hanté par la gloire de son père qui lui fit de l'ombre. On remarque dans ce poème que l'auteur confère à Dieu l'aspect d'une figure paternelle bienveillante et protectrice auprès de laquelle les chrétiens peuvent trouver refuge. En ce qui concerne l'esthétique du poème, force est de constater que nous avons affaire à une œuvre inclassable, inimitable et prémonitoire: elle contient un hommage à l'épopée dont elle reprend les principales caractéristiques: La Religion chante la grandeur du monde et de Dieu, ainsi que des hommes. Elle prend la forme d'une fresque historique retraçant les étapes majeures de l'Histoire de l'humanité, remontant jusqu'à l'Antiquité pour aller jusqu'à l'époque contemporaine de l'auteur. Prémonitoire car elle annonce Les Orientales et la Légende des Siècles de Victor Hugo. C'est donc une très belle découverte que ce poème qui m'a amené à examiner sous de nouveaux angles la poésie au XVIIIe siècle, laquelle est injustement réduite à des auteurs comme André Chénier ou Gilbert. Ce poème m'a d'ailleurs permis de découvrir des poètes aujourd'hui tristement tombés dans l'oubli , et dont les œuvres méritent d'être exhumées tant par les connaissances qu'elles ont à nous apporter au sujet de la poésie du XVIIIe siècle que par leur qualités esthétiques. D'autre part, alors que beaucoup s'obstinent à voir dans le siècle des Lumières la mort de la poésie religieuse, ce poème nous prouve le contraire puisqu'il lui apporte un renouveau que peu de poètes auraient pu atteindre.