Je refusais de manger. Ils ont fini par me poser une sonde afin de m’alimenter. Chaque soir, avant d’aller me coucher, un infirmier fait rentrer le tube par mes narines. Deux poches de liquide opaque me nourrissent. Le tube remplit mon estomac. Je ne connais pas son goût, j’imagine un lait concentré chimique saveur protéines, glucides, lipides, vitamines. Vers quatre heures du matin, un infirmier vient me changer les poches. Deux litres par nuit. Gavée, comme une oie. J’attends l’abattoir. Mon corps rejette le liquide, il a compris. Il goûte : oppression, soumission, détention, gavage, remplissage. Il dégoûte.