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Citation de LiliMatoline


Chapitre 3 :
" Mourir n'avait plus de sens.
Ce n'était plus qu'un assemblage de lettres, à peine un mot. Il n'y avait plus qu'une sonorité, à la fois onctueuse et tranchante, une sensation vive de douleur mêlée à celle, plus diffuse, de paix, de libération.
Mais pas de sens.
De l'index, Caroline écrivait les six lettres sur la feuille blanche, le menton dans la main. Son doigt déliait les jambages du m, arrondissait les o, enroulait le u, plantait les r et le i, plus violemment, comme une sentence, un couperet impitoyable. Onctueux - et tranchant.
Des « mourir » fantômes s'alignaient ainsi, comme une armée conquérante, sur sa feuille, toujours vierge, toujours vide, qui s'étirait, s'allongeait, interminablement, insupportablement blanche.
Mourir ; il ne restait que mourir. Tous les autres mots l'avaient désertée.
De guerre lasse, Caroline avait bien tenté de lire, pour reprendre au moins ne serait-ce qu'un simulacre d'activité intellectuelle, mais rien ne pénétrait. Les mots flottaient autour d'elle, sans entrer, et ils ne signifiaient plus rien eux non plus, comme écrits dans une langue étrangère qu'elle lisait sans comprendre.
Cette incapacité à lire et à écrire la frustrait d'elle-même avec une violence qui lui mettait les larmes aux yeux. La puissance destructrice de ce néant-là la terrifiait.
- Thé ?
...
Le temps... Le temps. Le temps.
Caroline hocha la tête pensivement en accrochant du regard la sculpture de Bob Wayne. Ici, le temps n'existait même plus.
- Mais je n'ai pas le temps ! répliqua Caroline sombrement sans regarder Cordélia, comme si elle se parlait à elle-même. Je dois retourner sur le continent, rejoindre ma vie, l'homme de ma vie - dont je ne sais plus s'il l'est réellement.
- De quoi doutes-tu donc ?
Caroline tourna la tête vers la vieille dame et soupira.
- De tout. De moi, des choix que j'ai faits. De ma vie, en un mot. Je ne sais pas si je suis heureuse. Alors même que j'ai tout pour trouver que la vie est belle ! Je voudrais juste avoir une raison...
- Une raison de vivre ?
- Ou une raison de mourir, répondit Caroline avec lassitude. Quelle importance ? Au fond, ça revient au même. Mais au moins je ferai quelque chose. J'ai juste besoin d'une raison"
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