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Citation de Kewbic


Je tâchais de lui peindre le bonheur comme je le comprends, mais, Adèle, ce n'est pas le sien : il prend les désirs pour des reproches, les projets pour de l'exigence, la tendresse pour de la domination. Que d'efforts inutiles depuis cinq ans! Il y a des êtres dont on se sent séparé comme par ces murs de cristal dépeints dans les contes de fées, on se voit, on se parle, on s'approche, mais on ne peut se toucher. Je t'envoie sa réponse, je m'y attendais et, cependant, elle m'a causé une vive douleur. Étrange faculté que l'espérance, qui vit en nous malgré nous en dépit des calculs et de la raison, elle est bien plus dans le caractère que dans l'esprit. Il semble qu'elle se renouvelle avec le sang et qu'on ne puisse la perdre qu'avec la vie. Chère sœur, il faut que je sois bien a plaindre, car je voudrais arracher de mon cœur cette espérance qu on appelle le dernier bien des malheureux, elle ne me sert qu'à redoubler mes peines, à en produire sans cesse de nouvelles. Peut-être que si je n'espérais plus, je me résignerais, et alors au moins, j'aurais du repos, mais il faut que j'en sois bien loin de cette résignation ! Croirais-tu que ces lettres si froides, si sèches, me causent encore aujourd'hui un profond étonnement ? Je ne puis my accoutumer; je crois lire une langue étrangère, une langue que je ne comprends point. Et quand je pense que celui qui m'écrit ces lettres est mon mari, celui à qui ma vie est liée pour toujours, le seul que je puisse aimer et dont je doive être aimée, je sens des moments de désespoir si violents que je déteste la vie, puis je me dis que cependant il n'est pas méchant, que c'est un homme que tout le monde estime, dont j'admire moi-même la droiture et l'intégrité, alors, chère Adèle, je ne sais plus ce que deviennent mes pensées, je doute de tout, je doute de moi-même, je le demande si mon malheur n'est pas en moi, si le monde est fait de manière à ce que les sentiments que j'éprouve soient naturels, si ce n'est pas une folie que d'aimer et de vouloir être aimée, si la tendresse, le dévouement, l'abandon, l'amour ne sont pas des vertus de roman qu'il faut étouffer dans son cœur au prix de faire son propre malheur et celui des autres. (Olivier, Folio, p.198-199)
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