LA LETTRE DE BETHUNE*
Attends-moi le lundi
Quand s'ouvre la semaine
Quand le cœur est si grand et l'espoir tout petit.
Attends-moi.
Attends-moi le mardi
Pour que passe le jour
entre la lessiveuse et la porte fermée.
Attends-moi.
Attends-moi mercredi
Chaque pas sur le seuil,
chaque ami rencontré te dit : " on n'est pas seuls".
Attends-moi.
Attends-moi le jeudi.
Les enfants sont chez nous.
C'est un jeudi, je crois, que j'aimerais rentrer.
Attends-moi.
Attends-moi vendredi.
Mon corps aussi a mal
de ne plus travailler, de se tendre vers toi.
Attends-moi.
Attends-moi samedi.
La semaine bouclée,
les copains rassemblés font trembler les prisons.
Attends-moi.
Et le dimanche, ce sera
pour faire voler nos pigeons blancs.
Et le dimanche, ce sera
pour penser un peu plus à moi,
pour voir à l'horizon,
du sommet des terrils,
s'approcher le ciel bleu
que nous avons gagné.
Attends-moi.
*A la prison de Béthune en 47 et 48, des centaines de mineurs furent enfermés pour avoir, comme en 41, défendu la France par la grève.