Malgré un superbe objet matériel, quelle déception ! Quelle terrible déception !! J'ai acheté ce recueil pour retrouver notamment les poèmes « Haosmos » (p. 38 dans l'original) et « Un Arcimboldo de adrenalină », dédié à Mircea Cartarescu (pp. 36-37 dans l'original).
Or, comment dire ? L'original, publié en 1992 à Bucarest, en format A5, fait 88 pages, tandis que la prétendue traduction ne compte que 68 d'un format inférieur ! Vous avez tout compris plus vite que moi ! Il manque des poèmes. Pire encore, alors que l'original comporte une épigraphe de Roland Barthes, le présent recueil en comporte trois, de Aldoux Huxley, Georges Perros et Jean Cocteau. La seule excuse valable c'est que l'original annonce des poèmes de la période 1985-1989, tandis que la traduction, uniquement « poèmes ».
La traduction est de bonne facture, signée de Linda Maria Baros avec l'auteur. En effet, Magda Cârneci est elle-même traductrice du français vers le roumain, et cela se ressent dans une sorte de travail de réécriture.
Ce livre a le mérite de faire découvrir la poésie de Magda Cârneci, mais le titre est trompeur, et il est à déplorer qu'aucune mention n'ait été faite pour expliquer la démarche exacte de l'auteur, de l'éditeur, ou des deux.
Je me console comme je peux, en refermant le livre après avoir jeté un dernier coup d'oeil aux mots de Georges Perros, dans « Papiers collés » : « écrire est un acte religieux, hors de toute religion ; […] c'est être certain d'une chose indicible, qui fait corps avec notre fragilité essentielle. »
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C'est de plus en plus difficile pour moi de parler de poésie, notamment lue en roumain, car je suis devenue adepte de la lecture que je qualifierais de contemplative. Je ne me pose plus trop de questions, je tombe ou non directement sous le charme. En plus ici, il s'agit d'un recueil que j'ai lu dans les années 1994-1995, au début de mes études littéraires.
Je viens d'apprendre que ce recueil a déjà été traduit en français par Linda Maria Baros (cf. 9782915831764), ce qui est une bonne nouvelle. Sur le site « Recours au Poème », Carole Mesrobian en parle a merveille. Deux passages à ne pas rater : « La mise en abyme y est récurrente et les références à une historicité littéraire soutiennent une écriture qui énonce son propre processus de création. Il s'agit bel et bien de passer à travers le miroir, celui de la vision quotidienne du réel mais aussi celui de la langue » et la conclusion « Dès l'avant lecture Magda Carneci annonce que la traversée à ses côtés mènera aux portes d'une perception cosmique de la réalité. Et en effet, les dispositifs formels ainsi que le choix des mises en oeuvre lexicales et sémantiques conduisent à la découverte non pas de l'univers de l'auteur, mais à la révélation d'une autre réalité dont chacun peut toucher l'impalpable présence. le poète, à l'instar de Victor Hugo, est un visionnaire, un voyant, un guide. Et il suffit de la regarder Magda Carneci pour que les images, dans cette instantanéité apposée aux lignes de son écriture, soient autant de traits au dessin d'une cosmogonie aussi unique dans son élaboration qu'il y a de lecteurs, mais globalisante parce qu'invitant à la suivre dans cette posture herméneutique au réel ».
Je rajouterai quelques informations : les pages 36 à 38 sont mes préférées et je m'en souviens encore. Il s'agit du poème qui donne le titre au recueil et de « Un Arcimboldo de adrenalină » dédié à Mircea Cartarescu, dans lequel, grosso modo il est dit que le poète ne craint rien, que rien ne lui est plus « étranger », lorsqu'il sait utiliser une langue de « feu », une langue bien acérée.
C'est un recueil qui réunit des poèmes écrits entre 1985 et 1989, donc d'avant le changement de régime politique en Roumanie. On pourrait dire qu'il s'agit de poésie de « tiroir ».
Quatre parties forment le volume : I. La vision, II. L'enterrement dans le cosmos, III. … et le monde, et enfin, IV. Post-manifeste. Un vaste lecteur, dont je cite encore dans la traduction de Linda Maria Baros :
« Un lecteur nous lira un jour,
Mais non pas un de nos semblables, un frère, mais un
lecteur plus vaste, plus lointain, qui feuillettera nos vies
comme des pages volantes, noircies par de menues lettres
illisibles, librement entremêlées par le vent ; et nous en-
chaînera en propositions et en phrases, en événements et
en peuples que lui seul comprendra clairement, comme
en un collier de perles naturelles et fausses autour du cou
tordu de l'éternité ; il déchiffrera avec précision, comme
un laser, tous les textes, les livres, l'histoire entière, ainsi
que les morts, les résurrections, les naissances, et il sa-
vourera leur goutte de miel pur ou trouble, doux-amer
sur sa langue rugueuse et impossible
dans un silence assourdissant, semblable au vent terres-
tre qui engloutit les déserts et les idiomes, les métropoles
chamboulées, au vent cosmique qui éteint des nébuleuses
imaginaires et des galaxies en expansion ; avec un mur-
mure sec, apocalyptique, tout comme le souffle sec des
narines de l'homme ultime, contemplant la jachère et la
parabole du monde, ou le souffle humide de la bouche
du premier homme inspirant goulûment la naissance de
la terre, l'arche aurorale , la première voyelle qui vient de
renaître
il englobera dans l'immense cristal bleu de son oeil,
et les cheveux que la femme amoureuse recueillit avec une
pince sur le foulard perdu par son bien-aimé, et le cer-
veau hyperbolique des savants et les systèmes poétiques
de la nature, la démiurgie frénétique des tyrans et des
commerçants, les inventions des mystiques et des révo-
lutionnaires, il englobera dans le cristallin aveuglant de
son oeil et le grain de moutarde et les points sur les i et
la planète
Il pèsera finalement leur souffrance, leur illusions et leur
amour, surtout l'amour, et la folie d'accepter de mourir
et de vouloir renaître dans quelque chose de trop invrai-
semblable, trop abstrus, trop analphabète ; à l'instant où
seule une métaphore plus que vive pourrait supporter le
poids écrasant du temps, son regard infini et son va-et-
vient, à l'instant où seule la poésie transcendante portera
dans ses entrailles le sang de la résurrection.
C'est ce lecteur-là que j'attends ».
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Intéressant pour y glaner, çà et là, quelques informations à caractère documentaire. Toutefois, comme indiqué à la fin de la préface, "ce livre reprend, avec quelques modifications, le texte de [s]a thèse de doctorat, dirigée par Alain Besançon et soutenue en 1997 à l'École des Hautes Études en Sciences Sociales de Paris". Le style s'en ressent et les nombreuses notes de bas de pages ralentissent la lecture.
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