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Citation de oberman71


Le Sheth Abdoulla me fit mon certificat, que je soumis dûment au conseil de la Société juridique. Il se déclara satisfait. Mais la Société se garda d'en faire autant. Elle fit opposition à ma candidature devant la Cour Suprême – qui écarta cette opposition sans même demander à Mr Escombe d'y répondre. Le président de la Cour déclara en substance :

– L'objection selon laquelle le candidat n'a pas joint l'original de son diplôme est sans fondement. S'il a fait une fausse déclaration sous la foi du serment, rien ne s'oppose à ce qu'on le poursuive et à ce que son nom soit alors rayé des registres du Barreau, à condition que l'on prouve sa culpabilité. La loi ne fait aucune distinction entre blancs et gens de couleur. La Cour n'a donc aucun droit d'empêcher Mr Gandhi de s'inscrire au Barreau. Nous acceptons son inscription. Vous pouvez dès à présent prêter le serment d'usage, Mr Gandhi.

Je me levai et prêtai serment devant le greffier. Sitôt cette formalité remplie, le président, s'adressant à moi, reprit :

– Il faut maintenant que vous ôtiez votre turban, Mr Gandhi. Vous devez vous soumettre au règlement de la Cour sur le costume des avocats en exercice.

Je compris que je ne pouvais demander plus. Le turban que j'avais tenu à conserver au Tribunal du District, je le retirai par soumission à l'ordre de la Cour Suprême. Non que, si j'eusse refusé d'obéir, je n'eusse pu justifier ce refus ; mais je préférais garder mes forces pour de plus grands combats. A quoi bon user mes talents de lutteur à m'entêter dans cette histoire de turban ? Mon habileté méritait mieux que cela.

Le Sheth Abdoulla et d'autres amis ne furent pas contents de ma soumission (ou faut-il dire faiblesse ?). Ils trouvaient que je n'aurais pas dû démordre de mon droit au port du turban dans l'exercice de ma profession près la Cour. J'essayai de les raisonner, de les pénétrer de la vérité de cette maxime : « A Rome, conduis-toi en Romain. »

– J'aurais raison, leur expliquai-je, de refuser d'obéir, si aux Indes un fonctionnaire ou un juge anglais m'ordonnait de retirer mon turban ; mais dans la mesure où je remplis un office près la Cour, c'eût été malvenu, de ma part, que de mépriser une coutume en vigueur dans la province de Natal.

Grâce à cet argument et à d'autres semblables, je parvins à apaiser tant soit peu mes amis ; mais je ne crois pas les avoir convaincu entièrement, en l'occurrence, de la valeur de ce principe qui veut que des circonstances différentes imposent, pour le même fait, des façons de voir différentes. Et cependant, durant toute ma vie, le culte opiniâtre de la vérité m'a appris à mesurer toute la beauté du compromis. La suite de ma vie m'a montré que cet état d'esprit entrait pour une part essentielle dans le Satyâgraha. Souvent cela m'a valu de mettre ma vie en péril et d'encourir le mécontentement de mes amis. Mais la vérité a la dureté du diamant et la tendresse d'une jeune fleur.
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