Mamoun Lahbabi

Le roman, et son pouvoir médiumnique à l'égard du passé et de l'avenir, qui, de quelques pages efface nos tourments en nous déportant dans tous les possibles. Rien ne lui est accessible. Il peut tout explorer, partout s'infiltrer sans tapage et ressortir des vies en bandoulière. Il raconte le vrai, l'existant, l'imaginé, le faux. Il est libre et vole très haut. Si haut parfois qu'il échappe au temps pour durer l'éternité. Il est souffrance, chagrin et douleur, et chacun peut y puiser ses couleurs. Quel bel antidote à la morosité de la vie. Antidote de l'ennui, ce venin qui harcèle la coulée des jours ; et de la vacuité, ce poison qui ronge l'existence. Par les mystères qu'il recèle et l'imaginaire qu'il génère, il rend alors la vie fréquentable. Que serait notre vie sans les histoires, sans les fables ? Le roman est une baguette magique qui favorise la métamorphose et ouvre l'accès à la résilience. Il fait supporter le handicap originel de n'être que soi, de n'être qu'une seule vie.

Cela aurait paru saugrenu d’avouer son inappétence pour le sexe, sa répulsion pour des hommes arrogants, méprisants et brutaux. Dans ce milieu ouvert au factice, hermétique au sentiment, animé d’une diète permanente de tendresse, mieux valait faire ses envies et ses projets et se cheviller au présent pour ne s’encombrer ni des affres du passé, ni des tourments d’un avenir ombré par l’inconnu.

Mina aimait ces histoires jamais avares d’horizons. Elle furetait sans son imaginaire pour explorer de nouveaux rêves, pour se fondre dans des univers sans repères livrés à des désirs d’adolescente. C’était pour elle une sorte de voyage entrepris à l’abri de toute entrave. Une partance dépourvue de balises, une errance dans les contrées imprévisibles des envies et des espérances. Très souvent, dans ces livres, des pages avaient été arrachées, parfois pour emporter des images, parfois sans raison, inutilement. Si Mina s’offusquait de ces comportements, elle ne déplorait nullement ses pans d’histoire disparus. Au contraire, ces vides lui offraient des motifs supplémentaires pour envisager et construire. A son tour, elle apportait, à sa guise, la pièce manquante s’accordant ainsi une part dans l’aventure dont elle se faisait alors témoin actif.