Luther n'est pas seulement, à son corps défendant d'ailleurs, l'homme de la division et des controverses. Il est aussi, et c'est plus important, lecteur infatigable et novateur de la Bible commune à tous les chrétiens, soucieux, en la recentrant sur le Christ, d'en montrer la fécondité pour la vie personnelle des croyants et la vie de l'Église.
Luther veut être fidèle aux doctrines classiques de la foi chrétienne, relatives à Dieu, au Christ et au Saint-Esprit ; mais il ne se contente pas de les enseigner dans leur objectivité.
Il ne cesse d'en dégager la portée existentielle et de mettre en évidence ce que la foi dans le Dieu révélé en Jésus Christ signifie pour l'être humain. Il invente un nouveau langage pour la théologie, plus biblique que philosophique, plus confessant que spéculatif.
Bien qu'attentif à certaines limites de Luther, le dominicain français Yves Congar disait de lui en 1975 qu'il était «un des plus grands génies religieux de toute l'histoire. Je le mets à cet égard sur le même plan que saint Augustin, saint Thomas ou Pascal. D'une certaine manière, il est encore plus grand. Il a repensé tout le christianisme.»
Au départ, Martin Luther est un moine qui ne fait guère parler de lui. En 1513 il devient professeur de théologie dans la petite université de Wittenberg, aux confins de l'Empire romain germanique, sans que sa notoriété en soit accrue.
Mais, vers la fin de l'année 1517, quelques semaines suffiront pour le faire connaître dans toute l'Allemagne, puis bien au-delà de l'Allemagne. Par 95 thèses, il s'est élevé contre les abus liés aux indulgences, ces remises des peines imposées aux pénitents, remises censées s'étendre jusque dans l'au-delà.
Voilà qu'il ose tenir tête au pape et qu'il refuse de se rétracter.
On connaît la suite : près de la moitié de l'Europe occidentale va le suivre, quitte à se diviser encore par la suite. Pendant des siècles, des Églises rivales et des chrétiens divisés se dressent les uns contre les autres, avant de s'apercevoir, au XXe siècle, que ce qui les unit est plus important que ce qui les divise.