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Citation de Dorian_Brumerive


Il y avait une voix qui parlait en elle. Depuis plus de vingt ans, elle l'entendait, pensée distincte de sa pensée, voix inarticulée, insonore, à la fois conseil, commandement, consolation, voix de Dieu, croyait Priscille. C'était la même voix qui avait gémi et tonné par la bouche des petits prophètes cévenols; la même voix qui s'élève du fond des âmes que la persécution ou la maladie ont désaxées, et que sollicite un gouffre mystique où elles trouvent l'extase dans la douleur. Comme les Illuminés du Désert, Priscille annonçait la fin prochaine des temps, le règne de la Bête, l'immolation de l'Agneau, puis le salut, avant le Jugement, par un peuple choisi de Dieu, et par le chef de ce peuple. La grande guerre et les révolutions européennes, interprétées dans un sens spirituel, n'étaient, à ses yeux, que la confirmation des prophéties. Le bolchevisme, d'essence juive, n'était-ce pas le triomphe passager de l'Antechrist ? La disparition mystérieuse du Tsar, ne correspondait-elle pas à certaines "figures" de la Bible qui impliquent la mort apparente et la résurrection, la défaite et la revanche ?
Ainsi s'étaient formées, dans l'esprit de la pauvre fille, des hypothèses devenues des certitudes. Catholique, elle eût trouvé, au-dessus d'elle, l'autorité d'un confesseur qui l'eût réduite à la règle commune ou brisée... Protestante, ne relevant que de sa conscience, libre d'interpréter la Bible en toute bonne foi, elle s'était écartée des pasteurs et des temples, et ne s'était heurtée qu'à des médecins. Qu'ils fussent incrédules par métier, c'était bien naturel, pensait Priscille. Elle ne s'était pas irritée quand ils lui avaient dit : "Vous rêvez tout éveillée et votre prétendue vocation n'est que le délire de votre orgueil." Elle avait répondu simplement : "L'épée est-elle orgueilleuse du coup qu'elle a porté et la faucille de la moisson qu'elle a faite ?... Je suis un instrument aux mains du Seigneur, et par moi-même, rien..."
Ceux-là mêmes qui l'avaient tourmentée en voulant la guérir, n'avaient pas été insensibles à l'exquise qualité de cette âme, aussi blanche que l'âme d'un petit enfant. L'amour qui rayonnait d'elle la faisait aimer. Priscille pardonnait aux incrédules...
"S'ils avaient su !" pensait-elle... "S'ils savaient !..."
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