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Critiques de Marina Boraso (177)
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Grace







"Affleurant d'un lieu où les mots n'ont pas cours, lui vient la conscience d'un détraquement de l'ordre des choses."



***



Conteur prodigieux,  Paul Lynch rouvre un chapitre tragique de l'histoire de son pays en nous plongeant dans l'épisode particulièrement meurtrier de la Grande famine qui a ravagé l'Irlande - alors colonie britannique, au milieu du XIXème  Siècle. Pour cause - l'émergence du mildiou sur l'île, une maladie parasitaire responsable de l'anéantissement des cultures de pommes de terre servant de base à l'alimentation des paysans. 



Traversé par un souffle puissant, ce récit d'une beauté ténébreuse, met en scène un personnage principal féminin absolument inoubliable dont nous suivrons pas à pas l'effroyable odyssée - du Donegal natal de l'auteur à  Limerick, sur une terre exsangue abandonnée des hommes et des dieux.



*



Octobre, 1845



"La récolte est perdue, tu le sais aussi bien que moi. J'ai demandé partout, mais personne n'est prêt à faire l'aumône. Moi, je suis trop avancée dans ma grossesse, il faut que tu t'occupes de toi. Tu dois te chercher un emploi (...). Reviens-nous à la fin de la saison, quand tu te seras rempli les poches."



Au sortir d'une scène inaugurale empreinte de bestialité, Grace - l'aînée d'une fratrie de bientôt cinq enfants, se voit jeter sur les routes à l'approche de l'hiver par sa génitrice. Si en cette période de misère noire, c'est une bouche en moins à nourrir, sans doute pense-t-elle également la protéger des intentions concupiscentes de Boggs, le propriétaire de la masure où la famille réside. 



Sommée de gagner sa pitance à tout juste quatorze ans, l'adolescente - travestie en garçon, quitte désemparée son petit village de Blackmountain. Y reviendra-t-elle? Serait-ce la porte de l'enfance qui se referme brusquement et définitivement derrière elle? Ainsi livrée aux caprices du hasard, n'est-elle pas vouée à une fin certaine?



"Le chagrin s'abat sur elle. Le regret de ce qui n'est plus. La douleur de ce qui vient à la place."



Pareil à la nature agonisante, le lecteur se trouve lui aussi comme figé "dans la stupeur de l'attente". Enveloppé d'une atmosphère à la fois pesante et menaçante, il tourne les pages avec fébrilité, redoutant la réalisation des sombres présages qui tendent à se dessiner. Quelles perspectives d'avenir pour cette jeune fille qu'il tient déjà en affection?



*



Accompagnée de son frère, un soutien physique puis spectrale indéfectible, Grace cheminera du nord au sud du territoire - rejoignant alors les hordes faméliques de pauvres hères - vagabonds, mendiants ou brigands poussés au pire par la disette. Pluie diluvienne, froid dévorant, tortures de la faim, pénible labeur, danger omniprésent, morts et absences obsédantes,…mue par un instinct de survie incroyable, elle apprendra à composer quoiqu'il lui en coûte, avec une adversité au visage sans cesse renouvelé. Mais à quel prix?



"Elle cherche en rêve ce qu'elle a été autrefois. Je suis en train de basculer hors de ma vie pour tomber dans celle d'une autre."



Partageant intimement, ses émotions, ses souffrances, ses doutes, ses visions cauchemardesques voire hallucinatoires, ses tiraillements et questionnements existentiels, le lecteur abandonne son statut d'observateur pour faire corps avec elle. En dépit de quelques longueurs révélatrices de l'interminable périple qui s'impose à notre protagoniste, l'intérêt est continuellement tenu en éveil. 



Au gré des épreuves et rencontres jalonnant ses longues années d'errance aux allures d'épopée  initiatique, Grace connaîtra nombre de métamorphoses. Dans cet abîme de noirceur, la chrysalide deviendra papillon et s'envolera peut-être - souhaitons lui, vers une vie de lumière. Grace, toi qui a porté sur tes frêles épaules les tourments de tout un peuple soumis à une catastrophe innommable, sois-en sûre, j'emporte ton souvenir avec moi…



"Elle a beaucoup voyagé, découvert la terre avec ses mille voix (...), et au contact de cette multitude lui est venue la conviction que la terre n'était pas une,  mais qu'il en existait autant qu'il existe d'individus, et qu'une terre toujours nouvelle accueillait les mutations de nos vies. Nous vivons sous cent millions de soleils,  et chacun d'eux s'éteint sous un même soleil sans limite qui brûle dans son mystère éternel."



***



Porté par une prose lyrique et envoûtante, un roman magnifique nimbé de grâce que je vous invite à découvrir!

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L'honneur du samouraï

David Kirk m'a emportée dans un autre époque et dans d'autres contrées avec son roman qui retrace une partie de la vie d'un samouraï de légende Musashi Miyamoto.



Je suis peu adepte de la culture japonaise de cette époque, mais comme je suis curieuse il ne m'en a pas fallu plus.



Le personnage principal est quelqu'un de très intriguant autant par sa personnalité en elle-même que par sa façon de "murir". L'histoire que nous raconte l'auteur se déroule sur plusieurs années. Elle débute alors que Musashi a 16 ans et se termine lors de ses 20 ans.

Ce jeune garçon, va vite comprendre que la Voie n'est pas faite pour lui et que suivre bêtement certains préceptes est un hérésie. Il va finir par se battre contre des idéologies bien ancrées dans les moeurs japonaises.



Un roman très fort, puisque l'honneur, la vérité, la vengeance, sont les maîtres mots de cette quête initiatique pour Musashi.



L'auteur écrit de manière agréable et décrit avec brio les combats. Les personnages sont bien campés.



J'ai donc beaucoup apprécié ce roman, qui va me pousser a lire le premier tome Samouraï de David Kirk qui retrace lui, la jeunesse de Musashi. (mais on peut les lire indépendamment sans problème)

Mais comme la personnalité de ce jeune samouraï est très intrigante et que je me demande si il va finir par trouver la paix intérieure je lirais aussi très certainement son traité des cinq roues.



Je remercie très fortement babelio et les éditions Albin Michel pour cette très belle découverte.



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L'honneur du samouraï

Je remercie chaleureusement les éditions Albin Michel et Babelio pour m'avoir adressé ce livre.



Nous sommes au Japon en l'an 1600. Les armées de l'Est ont triomphé « Rendez grâce au sublime guerrier, le très noble Ieyasu Tokugawa. Saluez l'immortelle et impériale majesté du Fils du Ciel ! ».Nous assistons à la victoire du clan Tokugawa sur la coalition menée par le clan Toyotomi.





L'escrimeur Musashi Miyamoto vaincu aurait dû se suicider. Il est jeune,(16ans) enthousiaste. Il s'oppose à cette tradition et désire vivre coûte que coûte. Pour lui, « Dans le fond, la vie se résumait à une question d'honnêteté, Musashi se savait honnête par nature……..C'étaient les autres, tous les autres qui étaient malhonnêtes, parce qu'ils s'écartaient de la voie la plus juste en se soumettant à des dogmes et à des codes. Ils se niaient eux-mêmes tout en privant le monde de ses potentialités. ».





Selon moi le coeur de ce roman historique est résumé dans cette phrase. Mushashi lutte et doit vivre. Il est seul ou presque, dépossédé et sans appui. Ses poursuivants sont vifs, observateurs, obstinés, motivés et protégés. Tout milite en leur faveur.

Le fougueux et audacieux Musashi est en outre poursuivi par l'école d'escrime Yoshioka de Kyoto parce qu'il a manqué de respect à l'un de ses membres. Tout est contre lui. C'est sans doute sans compter sur sa force physique et mentale, son courage, son audace et peut-être son inconscience.





Ce récit est vif, tranchant, avec des relents de vengeance. Les clans sont bien soudés. Tout manquement à réparation en duel apporte une preuve de lâcheté. Les balafres, les membres sectionnés, les corps sanglants, les précisions morbides ne manquent pas « une sandale de paille qui chuinte à chaque pas, imbibée de sang », ou un peu plus loin..« Tournée vers la rue, la tête avait été plantée au bout d'un pique. Ses cheveux épars faisant écran à la lumière, les traits du visage restaient confus et ne produisaient qu'une impression d'horreur. » ou bien « ses gémissements pathétiques produisaient un sifflement d'eau bouillante » .Sabres, combats, offensives, hurlements, mouvements déliés, le rythme des tambours. Bom,bom,bom ! loyauté, cruauté, voilà ce que nous vivons une lame d'acier sous la main !

J'ai aimé l'histoire de « L'étranger », personnage à l'habit couleur de thé, d'Ameku, une femme aveugle et de Yae l'enfant. Une très jolie et singulière compagnie qui jalonne tout le livre.





Ce roman est malgré toute la violence décrite avec force détails, saupoudrée de pureté, de poésie. Certains passages alternent avec des scènes d'horreur comme pour en atténuer les effets. « Il écoutait les insectes qui fourmillaient dans les branches et les herbes, le craquètement des criquets minuscules, le grésillement des grillons et la stridulation des cigales dont la fervente supplication ne connaissait pas de repos. Tous les sons particuliers se fondaient en un seul, unis par un esprit délivré de ses chaînes, une entité libérée de l'égo, qui se définissait en cherchant l'ordre et la connaissance dans ce qu'elle absorbait sans discrimination. »





La philosophie a des mots à dire bien sûr. Elle donne de l'esprit aux corps et du corps au texte : le karma, la Voie, les lieux sacrés sont présents. La méditation est l'équilibre indispensable au guerrier Musashi, la philosophie le guide « Une impression commença à se clarifier dans l'esprit de Musashi, un mélange de colère, de crainte et de solitude tandis qu'il se soupçonnait vaguement d'avoir confondu la nature de la forêt environnante avec la définition de l'existence elle-même. »





Enfin cet ouvrage nous offre des descriptions de paysages magnifiques. La lune rouge, un arbre « dévasté », « une pluie tiède comme de la sueur », « les bois désolés………arbres noirs aux branches dépouillées……les nuages de couleur des orgueilleux sapins aux aiguilles vert jade. le sol tapi de neige. Les grues aux yeux jaunes qui évoluaient dans des eaux peu profondes. Et Kyoto, le tintamarre des tambours dans les rues, le son grave des peaux martelées, les chats manx filant souplement au bord des toitures…..des moines novices tendant un bol d'une main osseuse », les colporteurs, les chalands….la vie grouillante de Kyoto.





Musashi, le plus grand guerrier de tous les temps sort-il vainqueur de cette incroyable épopée ?

La puissance de ce livre conduit le lecteur à voyager au Japon au XVIème siècle en compagnie d'un Samouraï.

La puissance de Musashi est de nous transformer en escorte et de l'admirer



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Grace

Poussée par sa mère enceinte d'un cinquième enfant, Grace part sur les routes pour trouver du travail et surtout pour échapper aux assiduités de l’homme qui leur loue une misérable masure.

La fillette de 14 ans déguisée en garçon affronte le froid, la faim, la peur, la solitude bien que l’ombre de son jeune frère ne la quitte pas.



Paul Lynch brosse un magnifique personnage féminin.

Grace est admirable de courage, elle avance pour ne pas mourir et deviendra adulte au fil des rencontres, pas toujours heureuses.



Le récit joue alterne entre noirceur et lumière, les peurs et la paix, la vie et la mort, le désespoir et le dégoût, et on se laisse porter par l'écriture magnifique de Paul Lynch, généreuse, juste et sincère, passant régulièrement la ligne du réel pour voguer sur l'imaginaire.



Je ne connaissais pas Paul Lynch, ce roman m’a permis de découvrir un immense écrivain.





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Grace

1845 en Irlande. Le mildiou anéantit la culture de pommes de terre, base de l'alimentation des paysans. Une terrible vague de famine déferle sur le pays jusqu'en 1852, jetant hors de chez eux des millions de pauvres gens et réduisant la population d'un quart, par l'effet conjugué de l'émigration et des décès.





Lorsque la catastrophe survient, Grace vit déjà très pauvrement avec sa mère et ses petits frères. Ils ne mangent guère à leur faim, et seul le droit de cuissage qu'exerce le propriétaire sur leur mère leur permet de garder leur maison. Quand l'homme se met à lorgner Grace, la mère décide de protéger sa fille en la faisant partir, travestie en garçon.





Jetée sur les routes sans ressources, Grace commence une longue errance, en compagnie de son petit frère Colly qui, de diverses façons, la soutiendra indéfectiblement tout au long de leur interminable périple.





Dans des paysages frappés de désolation, Grace va se mêler aux hordes errantes de mendiants, de brigands et d'assassins, et, de son regard d'enfant bien vite devenu femme, découvrir le climat apocalyptique d'une Irlande ravagée par la faim, peuplée de pauvres hères réduits aux pires extrémités pour survivre. Les pas de Grace vont bel et bien lui faire traverser ce qui ressemble à l'Enfer, jusqu'au bout de l'innommable, là où vous ne pourrez plus lire sans frémir d'horreur.





Pourtant, au plus profond du désespoir, au bord de la folie et de l'anéantissement, subsiste chez Grace l'instinct de vie, une capacité à se réfugier dans une autre réalité et à se raccrocher aux plus infimes lambeaux d'humanité.





Aucun récit de la Grande Famine irlandaise ne m'avait fait sombré aussi près de l'atroce réalité. Je referme ce livre avec une sensation prégnante de cauchemar, un peu celle ressentie devant un tableau de Jérôme Bosch. Si cette traversée de l'Enfer m'a parfois semblé un peu longue, elle constitue un très bel hommage à toutes les victimes anonymes et oubliées de cet épisode meurtrier de l'Histoire.





Prolongement sur la Grande Famine Irlandaise dans la rubrique Le coin des curieux, à la fin de ma chronique sur ce livre, sur mon blog :

https://leslecturesdecannetille.blogspot.com/2019/04/lynch-paul-grace.html




Lien : https://leslecturesdecanneti..
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Grace

Les dieux les ont abandonnés, il est temps que chacun devienne son propre dieu. Les règles ont cessé d'exister. La récolte est perdue, partout c'est la misère noire, seul le souffle de la mort balaye les champs. Sarah ne voit pas d'autres solutions que de couper les cheveux de sa fille Grace pour qu'elle parte chercher un emploi et trimer comme un homme et aussi qu'elle échapper à Boggs leur propriétaire une brute imbécile. Les chemins pullulent de mendiants qui s'ils trouvaient preneurs vendraient leurs bras et leurs jambes contre de quoi manger.



Ce roman raconte donc le cheminement dans la campagne irlandaise d'une jeune fille accompagné par le fantôme de son frère mort noyé pour survivre entre solitude, misère et superstitions. Elle va être de plus en plus téméraire et n'hésitera pas à voler, au fil des ses rencontres elle deviendra petit à petit une femme.



Ce roman est superbement bien écrit et les descriptions des ravages de la famine sont portées par la poésie et le lyrisme de la plume de Paul Lynch. Mais je n'ai pas été transporté par cette histoire, où morts et vivants se confondent. le parcours de Grace à travers un pays ravagé m'a semblé bien long et un peu ennuyeux, car l'intrigue est vraiment légère et le propos sinistre.

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L'honneur du samouraï

Merci Masse Critique ! Merci Albin Michel ! Je suis un passionné du Japon, de son histoire et sa culture, je ne perds jamais une occasion de m'y perdre et voilà que vous m'en offrez une sur un plateau d'argent avec ce roman historique dédié à Musashi Miyamoto l'incarnation de l'excellence martiale... On va oublier le personnage historique que les sources contemporaines qualifiaient d'arrogant voire d'orgueilleux, d'asocial voire de misanthrope, et qui semblait souffrir de gros problèmes d'hygiène corporel dans pays très à cheval sur la question, pour se consacrer au personnage légendaire. Car le propre des héros de légende c'est d'être assez protéiforme pour que les espérances de l'humanité toute entière puissent s'y incarner, mais aussi d'être tellement grands qu'individuellement aucune d'entre elles n'est assez vaste pour le remplir totalement :

- le Musashi Miyamoto d'Eiji Yoshikawa était un modèle d'abnégation à suivre pour la chair à canon du Japon fasciste...

- le Musashi Miyamoto de Kenji Mizoguchi était un philosophe subversif...

- le Musashi Miyamoto de Tomu Uchida était un militant communiste...

- le Musashi Miyamoto d'Hiroshi Inagaki était un amoureux déçu en quête d'illumination...

- le Musashi Miyamoto de Takeshi Inoue était un ado en compétition avec la perfection...

- et celui de David Kirk tient beaucoup du rebelle anarchiste... Un Robin des Bois déguisé en samouraï ?





Nous sommes en 1600, la Bataille de Sekigahara vient de s'achever et la coalition des seigneurs de l'Est commandés par le parjure Tokugawa Ieyasu vient de l'emporter sur l'alliance des seigneurs de l'Ouest dirigée par le loyaliste Ishida Mistunari : L Histoire est écrite par les vainqueurs, la chasse aux sorcières commence, mais le nouveau maître du Japon est obligé de conserver en vie ses anciens rivaux pour gouverner correctement le pays (les clans Mori, Shimazu et Chokosabe ont avalé des couleuvres durant 250 ans mais rien n'a été oublié dans le grand livre des rancunes : ils ont été au milieu du XIXe siècle aux premiers rangs pour combattre le shogunat Togukawa et aux première loges pour l'enterrer). Parmi les vaincus certains samouraïs désormais privés de seigneurs se donnent la mort tandis que d'autres samouraïs prennent la fuite pour sauver leurs vies, mais le dénommé Bennosuke Shinmen se renomme Musashi Miyamoto avant de faire un choix inédit : suivre sa propre voie et afficher sa différence au de lieu de suivre bêtement la Voie du Guerrier... Car dans le Bushido, les guerriers appelés samouraïs ne sont que des objets au service de leurs seigneurs, et que ces derniers peuvent à loisir leur retirer le droit de vivre s'ils considèrent qu'ils ont échoué ou qu'ils ont inutiles !

La version du personnage ne m'a pas convaincu : on sent l'ado rebelle, et c'est normal puisqu'on le suit pendant quatre ans de ses 16 ans à ses 20 ans, et il m'a fait l'effet d'un activiste altermondialiste qui s'échine dans un combat symbolique certes mais complètement vain qui ne fait absolument pas avancée ses idées. L'obsession du héros contre le seppuku est parfaitement logique d'un point de vue occidental mais complètement illogique d'un point de vue oriental, et le concept d'hybris sur lequel l'auteur revient souvent n'appartient pas au monde japonais mais au monde grec antique ! Mais bon ce n'est très grave vu que James Clavell l'auteur de "Shogun" expliquait lui-même que quelque soit la bonne volonté déployée un occidental mettrait toujours en scène un univers orientale vu d'un point occidental avec des personnages orientaux développant des mentalités d' occidentaux..

Le héros ado reste néanmoins touchant par ses états d'âmes que nous faire partager l'auteur, et j'ai par contre beaucoup aimé les personnages secondaires qui gravitent autour de lui : Jiro le ronin trouillard, Nagayaki Akiyama le samouraï bâtard et métisse rejeté de tous, Goémon Inoue le gouverneur malgré lui de Kyoto qui ne sait comment se débarrasser de son cadeau empoisonné et qui ne rêve que de quitter la capitale du sud pour retrouver les campagnes du nord, Ameku l'ouvrière aveugle des îles Ryûkyû que tout le monde prend pour une sorcière, Kozei Tadanari le vieux senseï de l'Ecole Yoshioka qui tente de trouver un solution pacifique avant de réclamer la tête de Musashi pour venger la mort de son fils unique... Tout une galerie humaine qui oblige le ronin à devenir adulte et à trouver sa voie : nous sommes donc bien dans le roman d'apprentissage, et en même temps qu'il élabore le style de combat à deux sabres qu'il va le rendre célèbre il doit aussi trouver une vision du monde qui le débarrassa de sa rage envers le monde... Ce qui finalement m'a beaucoup fait penser à l'anime "Samourai Champloo", et il n'est pas impossible que l'auteur l'ait vu aussi puisqu'il la légende fait un caméo dans la série animée ! (l'univers du manga ne doit pas lui être inconnu puisqu'il s'est permis de glisser un clin d'oeil aux principaux personnages de la saga culte "Lone Wolf & Cub" ^^)





Une fois de plus je suis obligé de constater que le roman historique anglo-saxon est de bien meilleure qualité que le roman historique français (difficile de trouver un roman historique anglo-saxon très mauvais ; difficile de trouver un roman historique français très bon). L'auteur est tout autant documenté sur son sujet que passionné par son sujet, le dosage descriptions / introspections / interactions est bien pensé, l'écriture est fluide et plaisante et j'en remercie autant l'auteur David Kirk que la traductrice Marina Boraso. C'est violent physiquement et moralement mais pas trop quand même, et c'est un peu un peu verbeux vu que les 500 pages ne racontent qu'un seul épisode de la légende de Musashi Miyamoto à savoir son combat à Kyoto contre l'Ecole Yoshioka (les self-made men attirant plus son opprobre que la vieille aristocratie, de la même manière que les sociaux traîtres du Labor attirent plus l'opprobre que la vieille aristocratie des Tories ^^). Mais je soupçonne l'auteur de céder à la tentation de recourir à la magie de la lenteur japonaise. L'immersion dans le japon féodal est donc largement facilité par la plume de l'auteur, donc vous n'avez qu'à choisir une bonne partition sonore pour que l'illusion soit parfaite...



Le livre objet réalisé par les éditions Albin Michel est réussi avec un papier agréable et une mise en page aérée destinés au plaisir de lire, mais...

1) "L'Honneur du samouraï" est le tome 2 d'une trilogie consacrée à la biographie romancée de Musashi Miyamoto et c'est indiqué absolument nulle part : erreur coupable ou vil plan marking faisant passer une série pour des stand alone ? Alors les romans peuvent se lire et se comprendre indépendamment, mais on perd la vue d'ensemble hein (j'ai ainsi trouvé que le le début de ce tome 2 était confus puisqu'il revient sur la quête de vengeance du tome 1, et que la fin nous laissait quand même en plan puisque l'histoire est à suivre dans le tome 3)

2) beaucoup de noms « exotiques » : un petit dramatis personae cela ne coûte rien, et cela aide tout le monde d'autant qu'il y a pas mal d'ellipses au début du roman qui empêchent de savoir rapidement qui est qui

3) beaucoup de lieux « exotiques » : un petit carte cela ne coûte rien, et cela aide tout le monde d'autant plus qu'on voyage avec des personnages originaires des quatre coins du Japon



Par contre je note dans mon agenda littéraire son projet d'écrire sur Hijikata Toshizô : un roturier devenu samouraï d'élite, qui combattit dans les armées du dernier shogun avant de devenir le champion d'un Japon démocratique face aux tenant d'un Japon impérialiste qui commençait déjà son chemin vers les terres maudites du totalitarisme, et avant d'être dans le dernier carré de la dernière bataille de l'éphémère République indépendante d'Ezo : voilà un personnage qui correspond mieux aux idées et aux thèmes anticonformistes de l'auteur que le gardien du temple du bushido ! ^^





PS:

Un petit coup de gueule en passant : j'en ai marre de ceux qui qualifient ce qui n'est pas récits de rentiers du XIXe siècle, de hauts fonctionnaires angoissés du premier XXe siècle, de cadres supérieurs dépressifs du deuxième XXe siècle, ou autofictions nombrilistes du XXIe siècle de sous-culture pour jeunes teubés déconnectés de la réalité... Il faut de tout pour faire un monde, donc il faudra vous faire à la démocratie, au multimédia et au fait que tout un chacun ne dispose pas d'un master en lettres ! (ça me fait penser que pas mal d'entre eux sont d'ailleurs les premiers à pousser des cris d'orfraie dès qu'il y a plus de 3 termes techniques ou scientifiques dans un récit ^^)
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Grace

Avant toute chose, il me semble indispensable de saluer la traduction de ce roman par Marina Boraso. Elle semble être entrée dans la tête de l’auteur avec facilité et élégance, reste que le travail est formidable.

Le troisième roman de P.Lynch,auteur irlandais de 40ans se passe donc en Irlande pendant la Grande Famine qui a crucifié ce pays de 1845 à 1851 .

Grace est une petite fille qui vit avec sa mère et ses trois frères et sœur dans un grand état de pauvreté, ils ne mangent que lors des visites du propriétaire qui se paie sur le corps de la mère, et l’engrosse régulièrement. Un jour ce sinistre individu louche sur la jolie Grace et sa longue chevelure, la mère se rend compte du danger , rase quasiment Grace , la dépouille ainsi de son sexe et l’oblige à partir pour ainsi la sauver croit-elle au moins de ce danger là.

Grace part avec un petit baluchon, son petit frère la rejoint, et la grande misère commence pour ces enfants ; d’une manière ou d’une autre (je ne veux pas révéler l’histoire)Colly accompagnera Grace pendant ce long périple qui parfois fait penser à « La Route » de Cormac Mc Carthy . C’est une épopée sauvage qui emmène cette enfant puis jeune fille à travers l’Irlande apocalyptique, plus de racines ni d’animaux à manger, reste la folie... certaines pages qui font froid dans le dos,que j’ai lues les yeux à demi fermés, tant elles étaient dures, la faim étant l’ennemie première devant les rôdeurs, les assassins, les maladies.

J’ai lu un roman terriblement beau, poétique souvent malgré la désolation, un roman plein de grâce.
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Grace

1848: l’Irlande a faim.



Le destin de Grace, petite paysanne de 14 ans partie de son Donegal natal, est un chemin de croix semé de dangers et de peurs. Chassée de son foyer au cœur de l’hiver, pour aller chercher du travail, elle devient vagabond, cachée dans des vêtements d’homme, double féminin du fantôme d’un frère perdu qui lui tient compagnie, tel un génie déchu dans sa bouteille.



Le contexte de la Grande Famine (en partie causée par le mildiou sur les pommes de terre) est remarquablement mis en scène dans les tribulations de la jeune fille à travers l’Irlande. Le livre fait d’ailleurs de l’œil aux productions romanesques britanniques du 19e, où la pauvreté de la population est toujours en opposition avec la politique impériale d’expansion.

La misère des êtres a hanté durablement la littérature irlandaise, surfant sur ces tragédies de familles séparées, exsangues de trop d’enfants, candidates à l’émigration ou à la dislocation des fratries pour survivre.



Voici un livre d’une beauté tragique. L’écriture est lumineuse, descriptive de la violence du pays, de ses habitants, de ses paysages, de son climat. Le lyrisme de Paul Lynch mêle en vrac dramaturgie, onirisme, superstitions, poésie et dialogues dans un flot de mots qui accentue l’oppression du récit.

C’est d’ailleurs surtout le style que je retiendrai car j’ai beaucoup souffert dans les pas de Grace, dans cette succession de drames, de douleurs et de solitude.

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Grace

Empoignée par sa mère, juste avant l’aube d’un jour d’octobre, Grace est brutalement traînée jusqu’au billot de bois. La lame du couteau s’avance et l’adieu à sa chevelure sonnera son départ de Blackmountain. En supprimant ses mèches de cheveux, sa mère lui donne la force pour contrer cet octobre du déluge. Affublée d’une culotte d’homme, la casquette rivée sur son crâne douloureux, Grace a quatorze ans et doit partir sur les routes du Donegal pour tenter sa chance, trouver du travail et fuir dans le même temps les envies du dégoûtant Boggs.

Dans ce comté du Donegal et dans toute l’Irlande, en cette année 1845, les récoltes gâchées par les pluies incessantes ne laissent plus que la boue noirâtre et la faim dévorante dans son sillage. La Grande Famine est là et le lecteur se voit jeter dans cette misère, cette désolation, cette souffrance qui vont s’attacher à chacun des pas de cette jeune fille si peu armée pour y faire face.

Son frère Colly et sa pipe en argile qu’il fume déjà à l’âge de douze ans pour calmer sa faim, se sauvera de chez eux pour l’accompagner.

La première ville rencontrée sera masquée sous la pluie et ne leur offrira que sa surface détrempée. Sous un appentis percé de toutes parts, jonché de paille moisie, il faut y passer la nuit de Samhain sans oublier de tenir les esprits des morts à distance même si finalement les morts sont bien moins menaçants que certains vivants rencontrés en chemin. Déjà les pensées de Grace ne peuvent qu’affirmer « La vérité, pense-t-elle, c’est que le froid est la nature profonde du monde, alors que la chaleur n’en est qu’un état passager. »

Puis la rivière en furie, grossie de toutes ces pluies d’automne, viendra s’additionner au malheur existant.



Paul Lynch est un auteur à l’écriture pleine d’ardeur et de fièvre poétique, restituant profondément la noirceur et la détresse de ces routes d’Irlande ravagées par la faim. Sous la lourdeur du ciel sans cesse assombri, il nous décrit implacablement les démarches des loqueteux alourdis par la misère, les regards absents, ce dénuement si intense, ce visage de la faim. Les images de ces mendiants, prêts à vendre n’importe quelle harde pour une piécette, la vision des enfants prématurément vieillards, s’impriment avec douleur sur les pages.

L’auteur fait défiler les champs de tourbe et décide bien rarement d’inviter le soleil dont les rayons ne s’attardent jamais sur ces terres qui ne nourrissent plus. La pluie embrouille perpétuellement ce ciel irlandais et les vêtements dégoulinent comme les pierres des misérables habitations.

Son héroïne, sur laquelle on ne peut que s’apitoyer tout en étant sidéré par cette force qui la pousse inlassablement à continuer sa route, nous étreint, nous fait mal. Si jeune, les traumatismes qu’elle subit et affronte pour survivre ébranlent.

Dès le début, hébétée, elle sera retrouvée sur la baie par un Charlie qui la ramènera chez lui et la misère prendra un temps le goût de la soupe d’algues servie tous les jours. Elle repartira tenter sa chance et sera bien loin d’être seule sur les routes où le nombre de va-nu-pieds aux mines tourmentées, aux figures hâves ne cesse de croître. La crainte à chaque pas ne la quittera plus ainsi que le dégoût d’elle-même car elle détourne son regard de ces êtres en détresse qui lui lèvent le cœur. Les suppliques lues dans les yeux des mendiants la culpabilisent et la révulsent. Tout ce malheur qu’elle n’ose plus regarder en face, toutes les mauvaises rencontres hantent ses rêves. Sa famille qui se dissipe au fur et à mesure qu’elle avance lui fait comprendre ce qu’elle était et cette autre qu’elle est désormais et qui lui fait honte. C’est une entrée dans un autre monde qui l’horrifie et dont elle se méfie en permanence. Ses agissements, ses interrogations, ses relations avec les rencontres faites sur ce sol plein de danger interagissent avec la voix de Colly qui la prévient souvent et bavarde infatigablement.

La survie revêt des visages abominables, des violences traumatisantes, des menaces permanentes, des vols inévitables et des morts accablantes. Sur son interminable route, Grace pose régulièrement son regard sur la nature, sur les arbres environnants et sur les oiseaux, merles, pies, corbeaux pour s’ancrer dans un réel qui appartenait à sa vie d’avant. C'est un souffle bienvenu au milieu de la noirceur.



Magnifique lecture, cette marche où Grace semble se perdre elle-même, emportée par les personnes croisées en chemin, contrainte à des actes répréhensibles, est terriblement éprouvante. Mais Grace s’accrochera jusqu’au bout à un signe d’espoir dans son pays dévasté par le mildiou.

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Grace

Ce roman se déroule en Irlande en 1845 lors de la grande famine qui a coûté la vie à plus d'un million de personnes et provoqué une émigration massive.

Grace à 14 ans lorsque sa mère lui coupe les cheveux sans explication et l'affuble des vêtements de son père qu'elle n'a pas connu, pour l'expédier sur les routes afin qu'elle essaie de trouver de quoi manger. Colly,son petit frère, vivant ce depart comme une déchirure se sauve de la maison pour la rejoindre. Ils vont vivre le pire. Grace sera confrontée à la misère absolue,croisera la mort,la maladie,la faim,la peur. Son errance sous le signe de la survie prend des allures d'apocalypse. Extrêmement fragilisée et seule pour affronter l'indicible elle ne fait plus la différence entre fantasme et réalités, hallucination et vérité. Se superposent les légendes,les superstitions,les sentences religieuses. Je voyais parfois se dessiner le jardin des délices de Bosch,côté Enfer évidemment !

Paul lynch crée cependant des ruptures d'ambiance et d'énergie au cours de ce terrible périple. Ainsi,lorsque Grace se retrouve à conduire un troupeau de bétail on approche du western. Puis lorsque son chemin croise celui de Bart et qu'elle devient " la reine des pirates" une relative légèreté s'instaure. La violence cotoye la fraternité et la joie un peu facon" Robin des bois". Progressivement l'auteur apporte une maturité ,une philosophie,qui modifient encore le scénario.

Malgré l'ancrage de son roman dans cette période dramatique de l'Irlande, Paul Lynch nous livre un roman plus social qu'historique avec un personnage féminin magnifique. Il pose des questions intemporelles sur la pauvreté, l'errance,le déracinement, la vulnérabilité des femmes dans les situations d'extrême précarité. Il interroge aussi avec force la notion de morale et ce qui en détermine les limites et même parfois les aberrations.
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Grace

Retrouver Paul Lynch. Sa plume envoûtante. Son écriture flamboyante d'où jaillissent l'Irlande, ses paysages et ses fantômes. C'est la troisième fois que l'auteur nous transporte dans le passé, dans le Donegal, cette terre qui use les corps pour quelques kilos de pommes de terre. Ses deux premiers romans mettaient en scène des hommes pris au piège de la violence et de l'injustice. Le premier, au 19ème siècle se voyait obligé de fuir en Amérique, un tueur à ses trousses ; le second, au milieu du 20ème siècle faisait le chemin inverse et tentait de s'installer sur la terre de ses ancêtres après avoir expérimenté le nouveau monde. Les deux étaient pris dans une tourmente qu'ils ne maitrisaient pas. Dans ces deux histoires, on pouvait admirer tout le talent de Paul Lynch pour décrire la violence des sentiments. Cette fois, il se glisse dans la peau d'une adolescente avec une facilité qui laisse pantois. Et il nous offre un roman d'apprentissage aussi poignant qu'éblouissant.



Grace est la fille de Coll Coyle, le héros du premier roman de Lynch. Nous sommes en 1845, la famine ravage les campagnes, les irlandais ne le savent pas encore mais cet épisode sera ensuite connu dans l'Histoire sous le nom de Grande famine dont les conséquences seront considérables avec 1 million de morts et plusieurs millions de réfugiés et d'émigrés notamment embarqués pour l'Amérique dans des conditions atroces. Pour l'heure, Grace est l'aînée et sa mère, Sarah, enceinte d'un cinquième enfant se résout à l'envoyer sur les routes dans l'espoir de lui faire gagner quelques sous qui sauveraient la famille. La tête rasée, déguisée en garçon, Grace se trouve livrée à elle-même dans un pays aux abois. La peur, la faim, le froid sont ses compagnons de chaque instant. L'étonnement, le désarroi, la souffrance de découvrir au fil des kilomètres l'étendue du désastre. Et de faire la terrible expérience de la violence, de l'injustice, de l'indifférence de ceux qui sont épargnés par la misère. Grace apprend à survivre sur un terrain où tous les coups sont permis.



Et par la magie de Paul Lynch, nous sommes Grace. Nous ressentons, nous frissonnons, nous voyons. Les ombres, la terre stérile, les dégradés de vert lorsque l'été revient, les chiens qui n'aboient plus, les corbeaux squelettiques, les silhouettes vieillies qui mendient au bord des routes. Nous faisons l'expérience du dénuement le plus total, lorsque aucun des besoins primaires ne peut être assouvi de façon naturelle : se nourrir, se réchauffer, dormir, se laver. Dans un contexte qui favorise les interrogations les plus folles - qui est coupable ? - entre croyances, folklore et religions. L'esprit de Grace se perd entre rêve et réalité, entre illusions et sensations. Les repères s'effacent, la frontière entre le bien et le mal se brouille pour finir par disparaitre. "On ne peut pas vivre comme ça" pense-t-elle. Pourtant demeure une minuscule étincelle, comme une petite lumière qui la raccroche à la vie...



Lors d'une rencontre à la librairie Le Divan, Paul Lynch a précisé que le fait d'ancrer ses romans dans le passé lui permettait aussi de parler du présent sans pour autant avoir à produire un livre trop politique. Comment en effet ne pas faire le lien avec les drames actuels qui poussent des centaines de milliers de migrants sur les routes ? Cheminer aux côtés de Grace, c'est faire l'expérience de celui qui n'a plus rien et auquel personne ne tend la main. Et ce que parvient à nous faire ressentir Paul Lynch ce sont toutes les dimensions du dénuement qui modifient totalement nos perceptions du temps et de l'espace.



Un roman éblouissant, virtuose, dont les images s'emparent de votre esprit pour ne plus le lâcher. Une épopée dont on sort épuisé et cueilli par l'émotion des tout derniers mots.
Lien : http://www.motspourmots.fr/2..
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Le Coeur qui tourne

Ce roman ne raconte pas l'histoire d'une personne ou d'une famille, c'est l'histoire d'une petite ville d'Irlande en pleine crise. Crise économique, crise sociale.

Le point de départ, le départ d'un patron, laissant des employés démunis...

Puis quelques évènements plus dramatiques surgissent dans l'histoire : un meurtre, un enlèvement...

A partir de ce point de départ et jusqu'au dénouement de cet enlèvement, on passe d'un narrateur à un autre, on entre dans l'esprit du narrateur, dans ses pensées, et on suit tant bien que mal le déroulement de cette période...

On ne s'attache à aucun habitant en particulier et en même temps, on éprouve de l'empathie pour chacun d'eux.

Ce livre permet de comprendre que chacun a sa propre histoire, chacun réagit par rapport à sa propre histoire, chacun voit "midi" à sa porte, ...
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L'honneur du samouraï

Je tiens tout d’abord à remercier Babelio et les Editons Albin Michel pour avoir pensé à moi pour cette Masse Critique Privilège. Ayant énormément aimé le précédent roman de l’auteur, Le Samourai, je suis donc particulièrement heureuse d’avoir reçu cet ouvrage qui me permet de continuer ma découverte de Musashi Miyamoto, grand guerrier de son époque.



Après avoir découvert Musashi Miyamoto, anciennement Bennosuke dans Le Samourai, nous le retrouvons ici, vaincu et fatigué après un long et dur combat. Considéré comme paria et traite à la Voie du Samourai, Musashi est seul et sans aucun soutien. Rempli de rage, le jeune adolescent de 16 ans, se retrouvera à lutter contre un des clans les plus influents du pays. C’est également à ce moment-là que le samouraï va énormément s’interroger sur lui-même, notamment sur la voie qu’il souhaite suivre, tout en cherchant à ne plus suivre celle qu’on lui impose. Dans un Japon en mutation, Musashi Miyamoto va vivre des événements très difficiles pour son jeune âge.



L’Honneur du Samourai est un roman complet. Etant fasciné par l’histoire du Japon, je ne peux qu’être embarqué dans un roman qui respecte cette histoire et qui tente de restituer les événements au mieux et de nous faire comprendre les mentalités de l’époque. David Kirk réussit ce tour de force, ce qui n’est pas facile pour un non japonais. L’Honneur de Samourai est un roman rempli de sagesse, très souvent philosophique, que j’ai pris plaisir à déguster. La plume de David Kirk est finement travaillée et j’ai été très souvent touchée par de nombreux dialogues ou passages. Musashi Miyamoto est un personnage qui se questionne énormément et qui cherche à trouver des réponses par lui-même mais également grâce aux personnages croisés sur sa route. Les personnages évoluent et sont complexes et c’est une des grandes qualités de cet ouvrage. A côté de cela, le roman foisonne de combats tous plus sanglants les uns que les autres. Superbement décrits, ces combats sont criants de vérités. David Kirk ne prend aucune pincette et n’hésitera pas à tuer de nombreux personnages. L’époque est particulièrement difficile et l’espérance de vie assez basse que ce soit pour les guerriers ou les civils.



L’Honneur du Samourai est un roman d’une grande qualité. Tout en nous proposant une plume superbe et de nombreux questionnements philosophiques, le roman nous immerge totalement dans le Japon de cette époque, une époque de mutation dure et sanglante.
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Grace

Mon Dieu comme je me suis ennuyée au cours de cette lecture…..J’avoue qu’après plus de 200 pages très laborieuses, j’ai adopté le mode lecture rapide/lecture en diagonale pour arriver à la fin.



Grace est l’histoire d’une jeune ado au 19ème siècle en Irlande au moment de la famine qui a tué des milliers de gens et poussé à émigrer de nombreux irlandais. Une époque terrible et un pays au bord de l’implosion que Grace va traverser. Elle part à l’aventure, déguisée en garçon, après avoir été obligée par sa mère à quitter la maison familiale pour ne pas subir un viol.



Malheureusement, je n’ai rien apprécié dans ce roman :



Ni les personnages auxquels je n’ai jamais réussi à m’attacher, ni le style très lyrique et parfois difficilement compréhensible avec des procédés très imagés qui m’ont laissé de marbre, ni les nombreux épisodes à caractère onirique et/ou mystique.



L’histoire se déroule en outre dans une ambiance très sombre puisqu’elle démarre après la première récolte désastreuse de pommes de terre, catastrophe due au mildiou et qui va acculer le pays à la famine. Noir c’est noir et il n’y a presque jamais d’espoir !



Bref, cette lecture n’était manifestement pas pour moi et la beauté du roman vantée sur le bandeau de couverture m’a complètement échappée.

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Grace

Je reprend la route encore une fois, mais avec Paul Lynch et son héroïne Grâce et le moins que je puisse dire c'est qu'elle sera rude et interminable .



Cette enfant de 14 ans va devoir essayer de trouver de quoi survivre dans une Irlande ravagée par la famine. Famine qui durera de 1845 à 1849 et décimera la population.



Grâce n'aura pas d'autre choix, sa mère étant de nouveau enceinte et trop de bouches à nourrir.



Plus de récoltes les malheureux errent et quémandent.

La pluie, le froid, la faim tenaillent les êtres tous plus miséreux les uns que les autres qui courent les routes et envahissent le pays tout entier.



Grâce va effeuiller le livre de son destin jour après jour.

Elle va traverser de terribles épreuves, va devenir femme, et après un périple de plus de 4 ans va enfin trouver l'apaisement et le chemin de la lumière.



Un petit chaperon roux avec des vêtements d'homme trop grand pour elle, va sillonner le pays pour survivre et tel le petit poucet reviendra dans son village, pour y trouver ses souvenirs enfouis dans la maison familiale dévastée et vide.



Voyage hallucinatoire, grandiose et hypnotique qui plonge dans les recoins les plus sombres de l'âme humaine pour nous conduire vers la lumière.





* j'ai oublié de souligner qu'à un moment du livre, le néant, l'oubli du monde, l'impression de sombrer dans la mort est marqué par trois pages toutes noires, pour repartir dans un nouveau chapitre qui s'intitule "Lumière".
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Grace

Dès les premières lignes d'Un ciel rouge le matin, on avait compris : la littérature pour l'irlandais Paul Lynch est une chose plus que sérieuse, viscérale même, avec plongée dans les tréfonds de l'âme humaine. Son deuxième roman, La neige noire, était très sombre et tragique, le suivant, Grace, ne l'est pas moins faisant resurgir l'époque terrible de la Grande Famine qui a frappé l'Irlande, à partir de 1845. Grace, l'héroïne de son livre éponyme, est une frêle jeune fille de 14 ans, obligée par sa mère de quitter la demeure familiale avec la quasi certitude qu'elle ne reverra jamais plus sa fratrie. C'est sur les routes d'un pays dévasté que nous entraîne Paul Lynch, un décor quasi post-apocalyptique où le danger rôde partout. Drôle de voyage initiatique où Grace dialogue sans cesse avec le fantôme de son frère et occasionnellement avec d'autres âmes mortes. Les événements atroces se succèdent et la mort cerne Grace, contrainte de grandir physiquement et psychologiquement pour survivre. Le lyrisme noir de Lynch et son écriture incantatoire couvrent d'un halo brumeux certaines scènes qui seraient sans cela insoutenables. S'il est vrai que son style est incomparable pour mêler beauté et magie avec l'horreur, il se laisse parfois aller à un excès d'onirisme faisant perdre pied au lecteur (certains en tous cas) entre réalisme et fantasmagorie. Comme dans Amadeus où il était reproché à Mozart d'avoir composé trop de notes, on peut avoir l'impression qu'il y a dans Grace trop de mots. Et pour enfin arriver à la lumière, tout à la fin du livre, qu'elle est douloureuse et cruelle cette traversée des ténèbres !
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Grace

« À l’époque où l’on vit, songe-t-elle, il faut se faire à la fois loup et anguille. » Elle, c’est Grace, quatorze ans, mise sur la route par sa mère dans une scène glaçante qui ouvre le roman. La grande famine irlandaise sévit alors durement, planant sur les champs de pommes de terre pourries par le mildiou, condamnant des centaines de milliers d’habitants à la mendicité et à l’abjection la plus totale. Pour Grace, le salut consiste à se trouver du travail hors de son village et gagner suffisamment pour subvenir aux besoins de sa famille. Son frère Colly, douze ans, la suit en cachette de sa mère, et l’accompagne sur un parcours qui se révélera plus que chaotique.

Je découvre l’écriture hallucinée de Paul Lynch avec ce roman impressionniste sur un des chapitres les plus tragiques de l’Irlande. D’une grande beauté, le récit s’avère aussi d’une grande noirceur, déployant autour de l’adolescente errante, songes, superstitions et croyances, seuls refuges pour celle qu’on a forcé à devenir une adulte avant l’âge.

Un tour de force littéraire qui m’a fait penser à La Route de Cormac McCarthy, roman de fin du monde.

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Grace

Roman de Paul Lynch.

La famine ravage l’Irlande. Pour sauver sa fille et soulager la famille, Sarah la chasse de la maison. « Tu dois te chercher un emploi et travailler comme un homme. » (p. 18) Grace n’a pas 10 ans et la voilà seule sur les routes du pays, déguisée en garçon, se joignant à moins pauvre qu’elle pour quelque temps, dormant dans des masures abandonnées, avec pour seuls biens une couverture, un couteau et un instinct de préservation hors du commun. Pendant des années qui passent comme un souffle, mais avec des hivers qui semblent durer des éternités, Grace se réinvente, se renouvelle, voire se ressuscite en avançant avec obstination sur le long chemin qui la conduit à elle-même.

Je n’en dis pas davantage, mais ce roman mérite toute votre attention. Grace est un personnage complexe, double par bien des aspects. Parfois aussi légère qu’un brin de paille emporté par le vent, parfois aussi lourde que la boue d’Irlande qui colle aux bottes, elle survit à tout, semblant traverser mille ans. Quant à la plume de Paul Lynch, elle est de celle qui marque pour longtemps : dense et généreuse, poétique et étourdissante, la langue employée par l’auteur convoque la puissance des légendes irlandaises.

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Le Coeur qui tourne

Meilleur livre de l'année 2012 en Irlande, lauréat du "Guardian First Book Award" en 2013. Pas mal pour le premier roman de Donal Ryan dont il aisé de prévoir, eu égard à ses qualités de styliste, qu'il refera parler de lui, en bien, dans les prochaines années. Prototype du roman choral, Le coeur qui tourne enchaîne 21 chapitres dont le narrateur est à chaque fois différent, tout en appartenant à la même communauté d'une petite ville irlandaise, frappée sauvagement comme le reste du pays par la crise économique. Il y a un personnage qui fait office de fil rouge et dont on suit le calvaire au fil des différents récits : grugé par son employeur, calomnié par la rumeur, accusé du meurtre de son père. Mais son sort s'efface finalement devant la somme des destins individuels qui se succèdent. On y trouve colère, misère, manque d'amour, ressentiment et douleur. Et de l'espoir ? Non, quasiment pas, si ce n'est dans la toute dernière phrase du livre. 21 personnages, blessés, humiliés ou simplement paumés, cela fait tout de même beaucoup et Le coeur qui tourne est hélas victime de son procédé narratif. Trop de malheurs et de rancoeurs concentrés en un roman relativement court ! Impossible de s'attacher à quiconque, les protagonistes viennent livrer leurs témoignages poignants et puis s'en vont rejoindre le cortège des ombres. Bien entendu, l'intention de Ryan de dessiner un portrait collectif est séduisant sur le papier mais in fine, son foisonnement d'histoires (certaines auraient pu constituer la trame d'un livre à elles seules) se révèle terriblement frustrant.
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