AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet

Citation de Charybde2


Dès le roman Dracula de Bram Stoker, la figure du vampire représente une forme de lutte des classes. Le Comte est un propriétaire terrien qui exploite la force de travail des pauvres – domestiques et paysans – pour prospérer. Cent ans plus tard, Buffy contre les vampires poursuit la métaphore monstrueuse de l’oppression des classes populaires – représentées par les habitant.es de Sunnydale – au profit d’une poignée de privilégiés – les vampires et démons -, en quête de richesse et d’immortalité. Dans une perspective marxiste, le combat de Buffy est éminemment anticapitaliste. « Dans Buffy et Angel, les valeurs capitalistes – parmi lesquelles l’intérêt personnel excessif, la concurrence féroce, l’accumulation de richesses; la rationalisation de la production et la marchandisation du travail – sont constamment associées à l’inhumanité au sens propre », observe l’universitaire Jeffrey L. Pasley.
Une grande partie des personnages démoniaques croisés dans Buffy contre les vampires sont caractérisés par leur admiration pour le système capitaliste américain, à commencer par les vampires, ces suceurs de sang prolétaire. L’épisode « Meilleurs Vœux de Cordelia » (S03E09) se déroule dans une réalité alternative, et ressuscite le personnage du Maître. La ville de Sunnydale est sous sa coupe. Au Bronze, devenu son QG, il présente avec fierté une innovation technologique à ses ouailles : une machine dotée de dizaines d’aiguilles qui drainent le sang d’un être humain en un temps record. Dans son discours de présentation, il explique : « Nous sommes indéniablement la race supérieure de ce monde. (…) Pourtant, les humains, avec leurs esprits plébéiens, nous ont apporté un concept véritablement démoniaque : la production de masse ! » Avant de conclure par ces mots : « Bienvenue dans le futur. » La séquence se présente comme une satire anticapitaliste des discours prononcés par les PDG des grandes entreprises. Elle établit par ailleurs une corrélation entre la production de masse et l’idéologie suprémaciste. Ici, le produit n’est pas un objet, mais un être humain asservi et considéré comme inférieur à la race vampirique. La victime de la cruelle démonstration est installée de force sur ce qui s’apparente à une chaîne de montage, avant qu’un système mécanique effectue le drainage. Cette scène, particulièrement dérangeante, peut également être perçue comme une dénonciation de l’agriculture industrielle et de la maltraitance des animaux, autres maux liés au capitalisme moderne.
Les lieux de la production industrielle se révèlent quasi systématiquement démoniaques dans la série. L’épisode « Effet chocolat » (S03E06) se déroule dans une usine, où des ouvriers et ouvrières remplissent des cartons d’une barre chocolatée très demandée. Derrière cette fructueuse affaire se cache l’ambitieux Mr Trick (K. Todd Freeman), qui représente la nouvelle génération de vampires, acquis aux valeurs capitalistes modernes. « C’est la raison pour laquelle j’aime ce pays : tu crées un bon produit et les gens accourent. Bien sûr, nombre d’entre eux vont mourir, mais ça, c’est l’autre raison pour laquelle j’aime ce pays », plaisante-t-il, déambulant au milieu de la chaîne de montage. Ce faisant, il tue de sang-froid, pour l’exemple, un ouvrier qu’il soupçonne d’avoir goûté au produit. Autour de lui, ses collègues, aliénés par leur travail, réagissent à peine. Au second plan, deux hommes traînent le mort, dont le corps gêne le bon fonctionnement de l’usine. Cette scène illustre l’inhumanité de la production de masse, où la force ouvrière est corvéable à merci et interchangeable. On assiste à une métaphore à peine voilée des grandes sociétés américaines et de leurs fondateurs, qui exploitent la classe ouvrière avec toujours plus d’avidité.
Commenter  J’apprécie          20





Ont apprécié cette citation (2)voir plus




{* *}