Elle marchait dans une extraordinaire harmonie de rythmes suaves, sinueux et souples qui se déployaient autour de points vitaux fixes. Elle avait tant d'art, pour traverser la cour, que ses pieds, en un admirable jeu de chevilles, se plaçaient alternativement sur une seule ligne idéalement droite. Cette audace de la démarche se répercutait d'abord dans les hanches, d'où elle se ramifiait en de très délicates ondulations qui gagnaient la taille, le cou, la tête - magnifique tête, magnifique cou, magnifique taille - pour mourir dans le balancement des bras. Le corps cambré, elle répandait la sève de sa belle jeunesse, la communiquait au sol et la faisait monter ensuite le long des murs dans l'unique but de galvaniser l'organisme de pierre et les petits organismes de chair qui l'habitaient, soumis aux chaînes d'une double prison.