Le retour du vaincu
Lorsqu'un soir, ombre émue, à travers la bruine,
Porteur d'un lourd secret – long tourment sans merci –
Tu seras de retour, cherchant vaincu, transi,
Ta maison aux vallons de l'oubli qui chagrine,
Toi, qui n'eus de la fleur de l'exil que l'épine
Et bus l'odeur amère – avide et sans souci,
Malgré le Souvenir qui ton seuil passe aussi,
Fuis la tendresse vaine à laquelle il s'obstine !
Refuse sans regret son réconfort stérile
Et subis ton chagrin, même s'il t'annihile :
Reste impassible et fort, ta fierté ne perds pas,
Ne pleure point, détruis ton espoir illusoire ;
Des tombes même, en route, écrase sous tes pas,
Et pars, va de l'avant, front haut, dans la nuit noire.
(p. 87)