Maurice Donnay

Paru en 1926, "Autour du chat noir" est un recueil de poésie, qui, n'ayant auparavant jamais été publié, aurait dû avoir pour titre "la danse du coeur".

Aucun de ses vers n'étant, je pense, impérissable, peut-être serait-il resté à vieillir doucement dans l'oubli poussiéreux d'une vieille bibliothèque s'il n'avait été précédé de quelques souvenirs de son auteur Maurice Donnay.

Maurice Donnay, en un peu moins d'une cinquantaine de pages, dit ne pas avoir la prétention de traiter un sujet aussi vaste que celui du "Chat Noir".

Un chat qui miaule,

J'vous jure ça fait drôle,

Un chat qui miaule,

C'est presque un symbole ...

A la fin du dix-neuvième siècle, au quartier Latin, un club, celui des "hydropathes, chaque mercredi et samedi," se réunissait à l'enseigne du cabaret du "Chat Noir".

Plus de 500 jeunes gens, nous dit Maurice Donnay, des artistes, des poètes, des musiciens ...

Un "hydropathe", au sens supposé du terme puisqu'il n'existait pas au dictionnaire, n'aimait pas boire de l'eau.

En janvier 1882 paraissait le 1er numéro d'une revue nouvelle :

"Le Chat Noir" - l'organe des intérêts de Montmartre - dont le rédacteur en chef était le bon poète Emile Goudeau, "parisien exagéré comme tous les provinciaux".

Montmartre est le berceau de l'humanité !

Toutes les preuves sont dans la bibliothèque du "Chat Noir".

Il faut dire qu'une réclame, dont l'authenticité n'est pas prouvée, présente le lieu, au 84 boulevard Rochechouard, comme un cabaret fondé en 1114 par un fumiste !

Est-ce que Montmartre ce foyer de lumière éclaire trop le monde ?

Audace, fumisterie, lyrisme et fantaisie ...

Avoir été moderne c'est avoir fréquenté le Chat Noir !

L'insouciante bohême c'était le "jem'enfichisme" de la misère.

"Il y a plus de pieds que d'étriers".

Le livre de Maurice Donnay, ainsi que les vieux numéros du journal, sont disponible sur Gallica.

D'autres ont chanté l'esprit parisien de Montmartre :

"Le quartier Latin" de Georges Renault et Gustave le Rouge

"Au beau temps de la Butte" de Roland Dorgelès ...

Le Chat Noir a joué son rôle dans la Littérature d'hier, poursuit Maurice Donnay, il a été des premier à discréditer le naturalisme morose en le poussant à la charge.

Et, en même temps il contribuait au réveil de l'idéalisme.

Chacun apportait là son esprit, qu'il soit blagueur, tendre, ironique, naturaliste, réaliste, idéaliste, cynique, lyrique, fumiste, mystique, anarchiste, chauvin, républicain ou réactionnaire.

Il y avait dans les idées , dans les moeurs une aisance que l'on trouvait nouvelle.

On respirait l'air, non pas de la liberté, mais de toutes les libertés ...

Que la révolution semble belle, qu'elle semble romantique, lorsque dépouillée de sa peur et de sa violence, elle embrase des cieux lointains.

Mais ne suffit-il pas que maints oiseaux de passage en transporte quelques graines jusquà la rapprocher pour que soudain elle se transfigure et reprenne son vrai visage ?

"Oiseaux de passage" est une pièce en quatre actes écrite par Lucien Descaves et Maurice Donnay.

Elle a été représentée, pour la première fois, sur la scène du théâtre Antoine le 4 mars 1904.

En 1881, dix ans après la Commune, la famille Lafarge est en villégiature au bord du lac de Genève, dans une pension de famille où s'est réfugiée Vera Levanoff, une princesse russe compromise dans un complot nihiliste.

Or Julien Lafarge, jeune étudiant en médecine issu de la bourgeoisie française, est un fervent admirateur des idées généreuses venues de la lointaine Russie.

En 1882, un an plus tard, Vera a su se rendre indipensable auprès de Mme Lafarge handicapée par sa cécité et a donné son coeur à Julien ...

Cette pièce a été écrite à quatre mains par deux des dramaturges les plus talentueux de leur génération.

L'on y reconnaît, dans son style mêlé, les deux manières croisées de l'un et de l'autre.

Le premier, Maurice Donnay, qui semble léger et mondain, aime à décrire les travers de la bourgeoisie.

Le second, Lucien Descaves, plus rugueux, a l'âme empreinte de révolte.

Mais si le style et la manière diffèrent, leurs deux plumes, élégantes et puissantes, sont trempées à la même encre.

Et, les deux auteurs se retrouvent, à l'épilogue de la pièce, au point médian de rupture entre les deux mondes envisagés.

Maurice Donnay et Lucien Descaves nous servent ici une révolution russe mijotée à la sauce bourgeoise française.

Un vent de Sibérie souffle sur la famille Lafarge, y apportant la fièvre du danger et la soif du sacrifice.

Ne serait-ce pas affaire de Tartuffe ?

Bien des questions posées sont toujours en suspens, aujourd'hui, dans notre monde devenu trompeusement virtuel.

La pièce est moderne.

L'humour y est fin, tissé d'une fraternelle dérision et d'humanité profonde.

Elle a été écrite à quatre mains de maîtres ...

"Le mariage de Télémaque" est une pièce lyrique en cinq actes et six tableaux.

D'abord destinée au théâtre de la Renaissance, elle fut finalement représentée pour la première fois, en mai 1910, sur la scène du théâtre nationale de l'Opéra-Comique.

Elle entre, plutôt que dans celle des livrets, dans la catégorie des comédies accompagnées de musique.

Elle est inspirée d'une nouvelle extraite du recueil, "En marge des vieux livres", de Jules Lemaître.

C'est un poème, en prose, mêlé de vers suivant les besoins de l'action et la fantaisie de ses deux auteurs.

Les grecs y parlent le langage de Paris.

Ce n'est pas une reconstitution, ni un travestissement burlesque.

Est-ce une opérette ? Peut-être.

Au lendemain de la répétition générale, les critiques, unanimes sur la qualité de la pièce, n'étaient pas tous du même avis.

Seul, dans "Comoedia, Léon Blum se montra exceptionnellement sévère ...

Sur un banc de pierre, aux portes de son palais d'Ithaque, Ulysse se souvient de sa vie agitée et de ses errances sur les mers.

Il revoit le cheval de Troie, l'oeil crevé du cyclope, les charmes inutiles de Circé, les douces ténèbres de l'île des cimmériens, l'horrible Charybde et Scylla ...

Son esprit est aujourd'hui en repos.

Il ne demanderait plus rien aux dieux s'il n'était inquiet pour Télémaque, son fils, qui se consume d'amour, d'une anonyme flamme, sans objet aucun.

Les petites princesses de Zanthe, de Zacinthe et de Dulichios, dont Ulysse a naguère tué les pères, les frères, les cousins à coups de flèches, se sont dérobées.

Podasochus, un messager, envoyé de Sparte, vient d'aborder.

Le roi Ménélas et sa femme Hélène ont gardé le meilleur souvenir de Télémaque et doivent recevoir prochainement le roi et la reine de Phéacie, ainsi que leur fille Nausicaa ...

Cette pièce, dont le le modèle fut indubitablement "Amphitryon" de Molière, est légère, ironique et tendre.

Elle est aujourd'hui quelque peu désuète.

C'est un badinage littéraire plaisant, gracieux et élégant.

Il se redécouvre, plus d'un siècle après avoir été portée sur scène, avec un certain plaisir ...

"L'autre Danger" est une aimable comédie en quatre actes qui fut représentée, en 1902, pour la première fois, à la Comédie Française.

Elle a été écrite par Maurice Donnay de l'Académie Française.

Le rideau du premier acte se lève sur un salon luxueux, très éclairé, celui de l'hôtel particulier, très parisien, du couple Ernstein. Ils reçoivent.

Etienne Jadain, un vieil ami, est venu de Grenoble, accompagné de Claire son épouse. Celle-ci retrouve, pour l'occasion, Freydières, un ami d'enfance devenu un célèbre avocat du barreau de Paris.

Ernstein propose une situation à Etienne Jadain et l'opportunité de venir vivre à Paris. Tandis qu'à Claire Freydières avoue l'avoir toujours aimé...

Lorsque le rideau se lève sur le deuxième acte, quatre ans se sont passés.

La famille Jadain est maintenant installée à Paris et accueille pour les fêtes de fin d'année, les parents d’Étienne, Mme Chenevas, la sœur de Claire et Madeleine leur fille unique.

Freydières fait son entrée. Il est l'homme providentiel.

Il est le confident d’Étienne Jadain, l'avocat de Mme Chenevas dont il protège les intérêts dans un divorce difficile. Il est l'amant de Claire.

Mais la situation s'embrouille lorsqu'il devient clair que Madeleine, la fille de Claire, est amoureuse du brillant avocat....

Cette pièce, très littéraire, est comme un petit plaisir de lecture qui serait, sans conséquence, sans gravité, sans nécessité mais que l'on s'offrirait rien que par gourmandise.

Imbroglio, passion amoureuse, mensonges, jalousie et jeux de dupes feutrés se passent entre salon et jardin lorsque ces messieurs-dames reçoivent....

Ce théâtre, bourgeoisement marqué fin de siècle, se redécouvre, aujourd'hui, avec plaisir, intérêt et curiosité.

La nouvelle comédie que présente Maurice Donnay, en 1913, à la Comédie-Marigny est une pièce résolument féministe. Se révélant moderne de ton et de fond, son propos n'est autre que l'amour dans le féminisme.

Cette pièce en quatre actes a pour cadre et pour personnages un groupe de femmes de cette époque, de ces femmes décidées, égales aux hommes, libres de leur profession, mariées ou non, suivant leur goût, avocates, doctoresses, artistes, romancières, qui ont conquis une place dans la société et qui par leur exemple indiquent à toutes les femmes leur avenir, éclairent leur destinée.

Ce sont les "éclaireuses".

Maurice Donnay, sociologue, amoureux des femmes, est aussi un homme de Théâtre adroit. Sa pièce est brillante, les dialogues sont parfois légers, tantôt plus profond mais sont toujours à-propos et substantiels, les caractères de ses personnages sont dessinés avec véracité et netteté.

C'est une étude de mœurs, de caractères, uns discussion d'idées. Clairvoyant et sans jamais tomber dans la caricature, l'auteur entrevoit la société qui surgira des ruines de l'ancien monde ruiné par la première guerre mondiale et le rôle primordial que la femme aura à y jouer. Il décrit un féminisme mondain, intellectuel tel qu'il a pris naissance. Il ne dit pas les choses pour instruire mais notre opinion se forme à regarder vivre ses femmes avocates, docteurs, écrivains ou conférencières.

Chaque scène révèle un écrivain talentueux et la pièce entière se révèle encore aujourd'hui comme un réel morceau de littérature.