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Citation de enkidu_


Le maître Dattātreya répondit : « Écoute, Rāma, je vais te dire ce qu'il en est de l'univers visible. De part en part, il n'est qu'aperception pure (drśimātra). Sois maintenant attentif à ma démonstration. Le monde sensible a la nature d'un effet parce que l'on assiste à sa naissance. Par « naissance » (utpatti) on entend ici la manifestation de quelque chose de nouveau. Or le monde se présente d'instant en instant comme nouveau. Il renaît donc à chaque instant. Certains pensent qu'il se renouvelle totalement d'instant en instant. D'autres le voient comme un assemblage de réalités particulières dont les unes seraient fixes et les autres mouvantes. Mais, en toute hypothèse, il est avéré que ce monde a eu une origine. Et il n'est pas permis d'invoquer ici « l'évolution spontanée des choses » (svabhāva) car ce serait justement vouloir trop prouver. On établit la corrélation nécessaire de telle cause et de tel effet en constatant que leur présence et leur absence vont toujours de pair, et c'est sur cela que repose l'efficacité de toute action. Comment donc croire que l'univers est le produit d'un hasard ? Là où n'apparaît pas de cause visible une cause invisible doit être inférée. C'est là une pratique courante et partout reconnue comme légitime. (Inversement), si, dans la plupart des cas, l'effet apparaît en même temps que sa cause, il a lui aussi, lorsqu'il n'apparaît pas, à être inféré d'après un modèle fourni par ceux des effets qui peuvent être observés. Faute de cela, notre vie quotidienne à tous s'abîmerait dans la contradiction. Toute chose, donc, a une cause et chacun, en présence d'un effet quelconque, en recherche la cause. C'est pourquoi l'hypothèse de l'évolution spontanée des choses est à rejeter.

Certains croient que l'univers résulte de l'association d'inconsistants atomes (anu). Mais un tel effet serait alors différent de sa cause et devrait être considéré (en cas de dissociation des atomes) comme absolument anéanti. En effet, l'unité de l'être et du non-être, chose contradictoire, ne se rencontre jamais. Le jaune n'est jamais non-jaune ni la lumière non-lumière : leur unité serait contradictoire et impliquerait le mélange des natures opposées. A supposer que l'on veuille ici faire intervenir le Seigneur, comment son « Fiat » pourrait-il donner aux atomes la chiquenaude initiale ? Et si l'on suppose que l'état originel de l'univers est la Nature (prakrti) reposant dans l'équilibre mutuel de ses attributs (guna), c'est en vain que l'on se mettra en quête d'une cause de leur déséquilibrage (lors de la création) et de leur rééquilibrage (lors de la dissolution cosmique périodique). Une telle Nature a besoin – comme tout ce qui est non pensant – d'être dirigée par une conscience et l'expérience ne présente jamais l'exemple du contraire. On ne peut donc assigner à l'univers aucune cause visible.

Quand une chose est au-delà de toute expérience, c'est la Révélation qui doit fournir le fondement de sa connaissance, puisque les autres moyens de connaissance n'ont (par définition) aucun accès à elle. La simple connaissance humaine, en tant qu'elle est mise en œuvre par des sujets finis, est toujours susceptible d'être remise en question. Si enfin l'on observe que la séparation de l'agent et de l'effet se rencontre souvent dans l'expérience, on conclura que cet univers a un Auteur qui est en même temps une Conscience. Or, cet inimaginable (acintya) univers ne saurait avoir pour Auteur un être ordinaire, et la Révélation – qui ne se contredit jamais et transcende tous les autres moyens de connaissance – le décrit justement comme infini et en possession d'inimaginables pouvoirs. Elle en parle ainsi comme du Grand Seigneur antérieur à toute création qui, poussé par la surabondance même de sa liberté (svātantryabharavaibhavāt) et sans recourir à de quelconques matériaux, se plaît à faire apparaître sur l'écran de sa propre conscience l'image de l'univers. De même qu'un homme assume en rêve un corps issu de sa seule imagination, de même le Seigneur se donne-t-il cet (univers) pour corps. De même que ton (« véritable ») corps ne constitue pas ton essence, puisque tu l'abandonnes en rêve, de même ce monde n'est pas le véritable corps du Seigneur, puisqu'Il l'abandonne lors de la résorption cosmique. Tu es une pure conscience distincte du corps et, pareillement, le Seigneur est la pure essence consciente, impérissable et dégagée du monde.

C'est donc a l'intérieur de Lui-même que se déploie l'image de l'univers. Où donc pourrait-elle le faire, puisque rien n'existe en dehors de Lui ? (chapitre XI)
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