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Citation de Aquilon62


Rien n’est tout à fait vrai dans les Promenades dans Rome. Stendhal les avait ouvertes en nous avisant qu’il avait été six fois à Rome, et il n’y était allé que quatre. Il date son premier séjour de 1802, et il n’avait poussé, en 1801, que jusqu’à Florence ; il avait regagné la France l’année suivante, sans s’aventurer plus au sud ; il ne visiterait Rome que dix ans plus tard, en 1811. Ce changement de date lui était, simplement, nécessaire pour raconter que suspect, comme Français, aux autorités de la Rome pontificale (nos troupes y avaient proclamé, en 1798, la République, et en avaient expulsé le pape Pie VI avant d’en être elles-mêmes chassées par les Bourbons de Naples), il y avait été continûment suivi par deux argousins auxquels il avait fini par donner amicalement du vin à boire, et qui lui avaient, par reconnaissance, baisé la main en lui disant adieu.

Il prétend avoir peint ses tableaux sur le motif, noté les conversations sur le vif, rédigé le récit de ses découvertes et de ses aventures le soir même de ses courses. Il avait écrit en réalité tout son livre à Paris : même les pages où il semble rapporter, heure par heure, les échos du conclave qui s’était achevé, le 31 mars 1829, avec l’élection de Pie VIII.

Tout est faux, et pourtant, tout est plus vrai que nature : éclatant de couleurs et palpitant de vie. La Rome qu’il décrit superpose, entremêle les antiquités, les musées et les champs de fouilles, les temples païens et les basiliques dédiées aux martyrs, les palais ruisselant de marbre et les catacombes éclairées à la bougie, les somptueuses liturgies pontificales et les chefs-d’œuvre de la Renaissance, les jeux de l’amour et de la mort de l’histoire et de la légende, et les crimes passionnels du bout de la rue. On y entend le cri des marchands de légumes et le chant des castrats de la chapelle Sixtine ; on pénètre dans quelques-uns des plus inaccessibles des palais construits par les familles de la noblesse « noire », on y rencontre des cardinaux à l’ambition féroce et au goût exquis, on se raconte, entre deux sorbets, l’histoire de crimes spectaculaires et de complots subtils. On visite l’atelier de Canova, on berce ses soirées avec les longs récitatifs des cantatrices. On flâne dans une ville dont la réunion de splendeurs, palais, jardins, églises, peintures, sculptures, a fait une œuvre d’art à part entière, une polyphonie créatrice. On retrouve, d’un monument à l’autre, Michel-Ange, Raphaël, Caravage comme de vieux amis. On s’irrite de voir décliner leur art sous le pinceau de leurs disciples. On mesure la soif de pouvoir sans limite de quelques hommes d’Église, en même temps que la vigueur, l’énergie d’un peuple qui n’a rien oublié de sa grandeur et de son caractère en perdant la puissance qu’ils lui avaient value.

(INCIPIT)
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