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Citation de Tatooa


Découvrir le pouvoir du pardon a été une révélation.
Le 1er Janvier 2017, en guise de voeux pour la nouvelle année, ma mère m'annonce que mon père est aux urgences pour une pneumonie. Il ne passera peut-être pas la nuit. Ses mots s'enfoncent brutalement dans mon plexus. "J'arrive !" lui dis-je. En rassemblant quelques affaires, je me souviens de la symbolique de cette maladie : la pneumonie serait synonyme de découragement, d'un sentiment de gêner, d'angoisse qu'il n'existe pas de solution face à nos souffrances. Qu'est ce qui a bien pu arriver à mon père ? Huit jours plus tôt, la famille s'était réunie pour enterre le mari de sa soeur. Il y a peut-être un lien. Mais lequel ? Il est mort de vieillesse, c'était dans l'ordre des choses...
[...]
- Dis-moi ce que tu as sur le coeur, papa...
- J'ai mal, je n'arrive pas à respirer, me répond-il d'une voix presque inaudible.
- Je comprends, mais est-ce que tu as quelque chose qui te rend triste ?
Il marque un silence, avant de poursuivre.
- Ce n'est pas la première fois que j'ai une pneumonie, j'en ai eu une à deux ans. J'ai eu la vie sauve grâce à mon frère aîné qui m'a donné son sang parce que j'étais trop faible. C'est grâce à lui...
Il ne finit pas sa phrase et une larme coule sur sa joue. Son frère aîné est décédé quelques années plus tôt. Alors, il me raconte des faits douloureux gardés secrets. Il éprouve une colère féroce envers sa mère et son père qui l'ont abandonné à l'âge de quinze ans - en le confiant à sa soeur aînée et... à son mari, Maurice ! L'homme que l'on a enterré il y a huit jours l'avait accueilli comme un père. Une image s'impose à moi. Maurice a dans sa main un des mouchoirs que mon père a déposé sur son chagrin d'enfant.
Comme une nappe qui glisserait d'une table parce qu'on la tire, les mouchoirs sont partis dans la tombe, laissant mon père à vif devant une réalité qui l'avait dévasté à l'époque.
Ce décès a réactivé un souvenir difficile (le sentiment de gêner) placé dans l'inconscient. Il est la cause de l'effondrement du système immunitaire de mon père. Je songe qu'il faudrait nettoyer les liens de souffrance qui le lient à ses parents, mais il est trop faible pour que nous partions dans un protocole entier qu'il n'a jamais pratiqué. Aussi, seul le pardon m'apparaît comme essentiel.
[...]
- Papa, on va prier ensemble, je vais dire des phrases, tu vas les répéter après moi. Si je me trompe, tu me le diras et on rectifiera.
Il ferme et rouvre les yeux. J'énumère les faits dont il m'a parlé, les uns après les autres, je lui fais vider son sac et répéter chaque mot, après moi. Parfois, il ajoute même quelques phrases.
Puis j'entre dans la deuxième phase, celle de l'acceptation et du pardon. Je prononce les mots lentement pour qu'il les intègre en conscience.
- Mes parents ont fait ce qu'ils ont pu, avec l'amour qu'ils ont reçu et surtout celui qu'ils n'ont pas reçu. Je leur pardonne d'avoir mal agi avec moi. Je souhaite maintenant être en paix avec eux.
Ses yeux s'embuent de larmes.
- C'est vrai, chuchote-t-il. Mes parents ont fait ce qu'ils ont pu, en croyant faire de leur mieux.
Enfin, je lui demande s'il a envie de demander pardon à quelqu'un. Il ferme les yeux à nouveau. Malgré son immense fatigue, il murmure sa requête. C'est là, au sommet de sa détresse, que mon père m'apparaît le plus fort. Quel courage à 77 ans d'avancer ainsi, le coeur à découvert. Je sens l'immensité de son amour.
Au moment où je le prends dans mes bras pour lui dire combien je l'aime, Stéphane et maman entrent dans la chambre.
- C'est incroyable, tu as changé de tête !" s'écrie ma mère. Elle a raison. Un peu de rose colore ses joues. Il semble apaisé. Un interne et une infirmière entrent. Nous repartons, confiants.
Mon père est sorti de soins intensifs le lendemain matin. Au bout de trois jours il a quitté le service de chirurgie cardiovasculaire et a repris des forces dans une chambre d'hopital normale. "Il faut un gros mois pour se remettre d'une sévère pneumonie", ne cessaient de répéter les infirmières. Quinze jours plus tard, il conduisait lui-même la voiture qui le ramenait avec ma mère vers leur maison, à 230 kms de là.
Grâce à mon père, j'ai expérimenté le pouvoir immense du pardon. En pardonnant, les cellules de son corps se sont reconnectées à la mémoire embryonnaire - cette énergie de croissance exponentielle - et la vie a recommencé à circuler en lui.
Je remercie infiniment mon père pour cette leçon, parmi les plus révélatrices qu'il m'ait été donné de vivre. Un puissant enseignement qui a transformé ma vie.
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