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Citation de Partemps


LA RAISON DU CŒUR II


Nous savons que les grands musiciens des siècles passés pouvaient bouleverser leurs auditeurs au point qu’ils fondaient en larmes de douleur ou de joie (qu’ils se mettent à crier ou qu’ils se jettent par terre — réactions auxquelles la musique de rock et de jazz nous a habitués). Du temps de Mozart, le compositeur savait encore qu’il avait pour responsabilité d’apaiser l’excitation ou le bouleversement de l’auditeur, au moyen d’une musique harmonieuse, avant de le rendre à la vie quotidienne.
Nous, musiciens — et tous les artistes, du reste — avons un langage puissant, sacré, à maîtriser. Nous devons tout faire afin qu’il ne se perde pas dans le sillage de l’évolution matérialiste. Il ne reste plus beaucoup de temps, pour autant qu’il ne soit pas déjà trop tard, car la réduction à la pensée et à la langue de la raison, de la logique, et la fascination des progrès de la science et de la civilisation qu’elles ont permis nous éloignent de plus en plus de ce qui fait le propre de l’homme. Ce n’est certainement pas un hasard si cet éloignement va de pair avec un assèchement du religieux : la technocratie, le matérialisme et le culte du bien-être n’ont pas besoin de religion, ne connaissent pas de religion, ni même de morale.
L’art n’est pas un joli complément : il est le cordon ombilical qui nous rattache au divin, qui garantit notre existence en tant qu’humains, mais seulement tant qu’il est au centre de notre vie. Il ne suffit pas de se donner bonne conscience avec quelques subventions ou quelques commissions pour la « formation ». Il serait essentiel de cultiver le « langage du cœur », l’autre mode de pensée, illogique, imaginaire — de rendre à l’art, dans les projets éducatifs et les programmes scolaires, la place centrale qu’il a occupée pendant des siècles ; au lieu de le rayer en premier lieu dès que l’on cherche de la place pour des connaissances somme toute secondaires. C’est incontestablement l’une des tâches les plus importantes des politiques, mais elle relève au fond de notre propre responsabilité. Si nos enfants n’apprennent plus cette langue, elle sera perdue, à jamais — on ne pourra plus lui rendre vie si on s’aperçoit trop tard que l’on s’est privé, dans l’étourderie et l’aveuglement, de ce qui nous a été donné de meilleur, à nous les hommes. Nous nous transformerons alors directement en ces bêtes méchantes et sans cœur que nous serions sans le souffle d’amour de Dieu.
Pour conclure, je voudrais évoquer une image, une comparaison : je vois l’homme, à qui Dieu a donné dans une main un marteau, dans l’autre un violon. Il vit très heureux : il voit qu’avec le marteau il peut satisfaire ses besoins matériels, et il sent que le violon lui ouvre un monde au-delà du langage, au-delà de la logique, un monde où il ne peut accéder avec le marteau — seul le violon fait de lui un homme. Il existe cependant un démon, qui s’appelle matérialisme, lequel hait le violon ; l’homme se laisse facilement pervertir, car le marteau lui apporte le confort, le luxe, l’ordre. Il oublie le jeu et le violon, il oublie le don de Dieu qu’est l’art... et à la fin se retrouve assis entre ses ordinateurs, sachant à quoi ressemble la planète Mars et l’intérieur d’un atome — mais il n’est plus un homme, sans son violon.
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