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Citation de didier1964


Le matin, les premiers pas sont difficiles. Il faut de la volonté pour chauffer les muscles et remettre de l'ordre dans l'esprit. Pour contrecarrer cet état je force systématiquement le pas, il me semble que la douceur n'arrivera à rien. Quelqu'un m'avait dit " Dans certains cas, c'est bien dommage, mais il n'y a que la violence pour faire la différence." Je m'élance donc le matin d'un pas rapide. Les jambes sont raides, les idées confuses, et seule la vitesse peut délier tout ça. La démarche est "carrée", sans aucune fluidité, tous les rouages sont grippés. Doucement, le pas s'assouplit, les chevilles déroulent la semelle de la sandale au lieu de la claquer, le mouvement des jambes s'arrondit, les mollets dérouillés amortissent puis relancent le pas devenu silencieux. Et mon rythme, bizarrement, ralentit. En général, je ralentis même exagérément avant de trouver enfin mon rythme. A ce moment là, la foulée est régulière, les bras se balancent naturellement dans une gestuelle ininterrompue ressemblant à la mécanique parfaite du pendule de Foucault et de son mouvement perpétuel. Pour cela, j'ai abandonné le bâton : son bruit irrégulier sur le sol m'agaçait. Quand la machine est immergée dans son bain d'huile, un sentiment de bien-être, ou en tout cas de mieux-être, me vient. Ces premières étapes passées, j'arrive dans la matinée sans m'en rendre compte, à un stade où le poids de mon corps disparaît ; je ne m'entends plus marcher et je me sens m'intégrer doucement au paysage. Je deviens le vent s'il me souffle au visage ou l'eau de la rivière si elle coule à côté. Je deviens léger, quasiment absent, je ne suis plus un être humain mais quelque chose de naturel, un élément de mon environnement. C'est un état apaisant qui peut devenir grisant. Bizarrement, il faut passer par ce cheminement pour qu'ensuite mes idées commencent à se ranger. J'accède à un état d'éveil qui me surprend moi-même, je suis en mesure de me concentrer en profondeur sur les idées qui se présentent. Les paysages, à ce moment là, disparaissent, le temps ne pèse plus, le mouvement de la marche, lui, devient automatique. Ensuite-sûrement envahi par les endorphines-, je souhaiterais ne plus m'arrêter, ne plus quitter cette dynamique qui semble d'ailleurs générer plus d'énergie qu'elle en demande : je me sens de mieux en mieux et mon intellect est plus productif que jamais ! Le mouvement répétitif de la marche m'amène, c'est sûr, à une certaine clairvoyance. Une idée s'avance, elle est prise dans l'engrenage de la réflexion, toutes sortes de perspectives ou d'extensions lui sont présentées, et puis subitement une réponse, la réponse adéquate, tombe, une sorte de révélation : " Pourquoi n'y avais-je pas pensé avant ? "
Si, au tout début, la marche, la fuite constituait pour moi un refuge, l'immobilité m'exposait à l'inverse au pire. M'arrêter, c'était la gangrène. Les nuits étaient les moments les plus durs à gérer. Je marchais donc, je marchais et ne m'arrêtais que lorsque je ne pouvais plus avancer, à cause de la nuit tant redoutée, de la fatigue ou des douleurs aux pieds. Dans mon conflit avec moi-même, j'ai été poussé d'instinct à la marche. Peut-être, ma foi, le meilleur antidote.
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