Onésime Reclus

La vallée de la Jonte, une des merveilles de la France, et qui serait certainement beaucoup plus fréquentée si le voisinage des gorges du Tarn n'épuisait pas l'admiration des visiteurs, est riante et pleine de verdure à Peyreleau. Elle devient grandiose, sauvage et d'une beauté impressionnante au fur et à mesure qu'on se rapproche de Meyrueis.

L'arrivée par le chemin de la gare, chemin creusé dans la paroi calcaire du cirque au fond duquel s'élève par gradins Salles-le-Source, dont on distingue nettement la cascade, est des plus curieuses. La vallée du Créneau formée par cette cascade est magnifique, et les vieux noyers ou châtaigniers, dont les bouquets la coupent par endroits, la rendent fort intéressante.

Car elles sont vertes comme la couleuvre, ondulantes, gracieuses comme elle, ces rivières à peine visibles d'en haut, tant les quinze cents pieds de suréminence les contractent, et l'on n'en voit que quelques boucles, presque toutes les autres disparaissant derrière les caps de vallée.

La Lozère -- plus vraiment le Lozère, car les Lozérots ou Lozériens en font le roi, non la souveraine de leurs monts -- le Lozère donc domine par son "truc" suprême un mélancolique royaume d'herbes sans un arbre, de roches grises ou sombres et de granits déserts.

Montpellier-le-Vieux est un parc de 120 hectares, où les arbres sont remplacés par des aiguilles de rochers dolomitiques, des arcs de triomphe, des galeries et des palais de pierres fantastiques, des cirques singuliers, des châteaux forts, qui forment de cet ensemble étrange et inattendu une des merveilles de cette région si riche en merveilles, une des curiosités géologiques de notre pays.

Le viaduc de Tanus est construit en acier. C'est une arche unique, d'une incroyable légèreté, qui enjambe le ravin, profond de 130 mètres où coule le Viaur. Les poutres d'acier sortent pour ainsi dire de la verdure et semblent des fils ténus et grêles au-dessus desquels s'étend le tablier ou passent des trains de deux ou trois cents tonnes. L'impression produite est saisissante.

Or, la Lozère est, au choix du mot, une Sibérie, un Pamir, une puna, un paramo, un Klondyke, un pôle; ainsi le veut l'altitude. Sur le toit des eaux d'Europe elle expédie des torrents en tous sens vers les territoires environnants, mais il ne lui vient d'aucun d'eux une seule goutte de ruissellement -- en quoi pas un autre département ne lui ressemble.

Sur la ligne de Capdenac à Rodez, 10 kilomètres avant Rodez, une petite station porte le nom de Salles-le-Source, mais est située à 2 kilomètres de la localité qu'elle dessert. Cette agglomération, qui comprend trois quartiers : Salles, le Bourg et Saint-Laurent, est une des plus pittoresques villes de France. On l'aperçoit du reste sous son meilleur aspect du chemin de fer même entre les stations de Vanc et de Salles. Elle doit la moitié de son nom à un ruisseau formé par les eaux accumulées dans les fissures du causse de Concourès. D'un seul coup, ces eaux jaillissent d'une fente du rocher et se précipitent sur le petit plateau qui porte la partie supérieure de Salles, puis tombent par une belle cascade d'une trentaine de mètres dans une vasque au devant d'une grotte creusée dans le tuf et garnie de plantes aquatiques. De là, elle franchit la route et rebondit de cascade en cascade jusqu'au fond de la vallée.

Il faut près d'une heure pour arriver à l'ermitage de Saint-Privat. Le chemin qui serpente le long du mont Mimat présente, de distance en distance, de petites chapelles, au nombre de quatorze, correspondant aux stations du chemin de croix. L'ermitage se compose d'une petite chapelle, en partie taillée dans la paroi rocheuse.

Comme chaos de rochers, le Sidobre est unique en France, sinon même dans le monde.