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Citation de sumitsuki


En fin de compte, la cause des animaux non humains progresse, dans notre société. Mais ceux qui essayent d'éveiller les consciences à propos des abus commis sur les animaux de compagnie, à propos des élevages en batterie, des zoos et de l'utilisation des animaux dans les cirques, des expérimentations dans les laboratoires et ainsi de suite, et qui essayent de faire pression pour obtenir une nouvelle législation qui protège les animaux se voient sans cesse demander comment ils peuvent consacrer leur temps, leur énergie et l'argent public aux "animaux", alors qu'il y a tant à faire pour les humains. Il est incontestable qu'un peu partout dans le monde, des êtres humains connaissent de grandes souffrances. Nous avons de quoi nous alarmer lorsque nous entendons parler des millions de gens qui ne mangent pas à leur faim ou qui sont sans logis, des tortures policières, des enfants que l'on mutile délibérément pour les faire mendier et de ceux que leurs parents obligent - quand ils ne les vendent pas - à se prostituer. Nous attendons le jour où les conditions de vie s'amélioreront partout dans le monde - et nous pouvons nous consacrer à cette cause. Mais nous ne devons pas nous imaginer que tant que la souffrance humaine existera, il sera moralement acceptable d'être aveugle à la souffrance des êtres vivants. Qui sommes-nous pour déclarer que la souffrance d'un être humain est plus terrible que celle d'un être non humain, ou qu'elle compte davantage ?

A l'échelle de l'Histoire, cela ne fait pas si longtemps que le commerce des esclaves a été aboli. les esclaves étaient soustraits à leurs tribus "sauvages", dans les contrées lointaines. Il n'était sans doute pas trop difficile pour les marchands d'esclaves et pour les esclavagistes de se démarquer psychologiquement de leurs prisonniers, si différents de tous ceux que leurs "maîtres" avaient pu connaître jusqu'alors. Et puis, même une fois réalisé que leurs esclaves étaient capables de ressentir des douleurs et de souffrir, quelle importance ? Ces individus étranges, noirs et barbares, étaient si différents... ils ne ressemblaient pas vraiment à des êtres humains. On pouvait donc ignorer leur angoisse. Aujourd'hui, nous savons que l'ADN est virtuellement identique d'un groupe ethnique à un autre, et que nous sommes tous - noirs, blancs, ou jaunes - frères et sœurs de par le monde. Avec cette connaissance accrue que nous avons acquise, nous sommes horrifiés à la pensée de ces gens intelligents et doués d'une compassion normale qui acceptaient alors l'esclavage et tout ce qu'il impliquait. Heureusement, grâce à la clairvoyance, aux fortes convictions morales et à la détermination d'une petite frange de la population, les esclaves ont fini par être libérés. Ils l'ont été non pas en vertu d'une analyse poussée de leur ADN, mais parce qu'ils manifestaient d'une manière si évidente les mêmes émotions, les mêmes facultés intellectuelles et les mêmes capacités de souffrance et de joie que leurs propriétaires blancs.

A présent, imaginons un moment des êtres qui, bien que présentant génétiquement une différence d'environ 1% par rapport à l'Homo Sapiens et ne parlant pas, partageraient nos émotions et seraient doués de facultés intellectuelles développées. Pardonnerions-nous, aujourd'hui, la mise en esclavage de ces êtres ? Accepterions-nous qu'ils soient capturés et importés d'Afrique ? Rigolerions-nous en regardant sur nos écrans de télévision des numéros dégradants, mis au point à grand renfort de cruauté ? Resterions-nous aveugles devant leur emprisonnement dans des cages étroites et austères, souvent dans l'isolement total, alors qu'ils n'auraient commis aucun crime ? Achèterions-nous des produits testés sur eux au prix de tortures mentales ou physiques ?

Ces êtres existent, et nous fermons effectivement les yeux sur les abus dont ils sont victimes. On les appelle les chimpanzés. Ils sont prisonniers dans des zoos, vendus à quiconque trouve bon de les acheter en guise d'animaux "domestiques", ou bien ils sont dressés à fumer ou à monter à bicyclette pour nous divertir. Ils sont incarcérés et souvent torturés, psychologiquement et même physiquement, dans des laboratoires pharmaceutiques, au nom de la science. Et tout ceci est accepté par les gouvernements et par une grande partie du public. Il fut un temps où les victimes des expérimentations en laboratoire auraient été des humains ; c'est grâce à une poignée de gens déterminés qui résistèrent à l'ordre établi, et qui informèrent peu à peu le public des horreurs qui se perpétraient derrière les portes closes, que les fous et autres infortunés sont maintenant à l'abri des dieux en blouse blanche. Le temps est venu de franchir l'étape suivante et d'empêcher l'exploitation de nos plus proches parents actuels.

Les chimpanzés et nous - Combler le fossé
Jane Goodall
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