Un de nos navires s'était échoué contre les récifs de Curaçao, l'île des Géants, sombrant corps et bien. Et j'avais cru comprendre qu'Alonso y avait perdu ses meilleurs compagnons d'armes. Lors de cette tempête, peu s'en était fallut que l'océan engloutît notre caravelle. Néanmoins, plusieurs voies d'eau la condamnaient à sombrer et nous avions du l'abandonner.
Le transbordement du matériel et des naufragés dans les canots avait été hâtif et confus, aussi avions nous déploré quelques pertes, dont mon astrolabe. Ayant réchappé à la tempête, le troisième navire avait normalement pu atteindre Coro, notre port d'escale, pour y accoster. Selon mes estimations, nous étions à deux ou trois lieues de la colonie. Le capitaine Flavio devait nous y attendre pour le ravitaillement avant de mettre le cap sur Panama.
Notre convoi se mit finalement en branle, de façon chaotique d'abord. Inigo Riviera et Raul Garcia, les lieutenants de Felipe del Castillo, crièrent les ordres qui nous firent avancer à marche forcée. Derrière nous, la caravelle sombrait. Nous tournions désormais le dos à l'Espagne et à toute possibilité de retour en arrière.
Je crois au Camaquen, cette volonté universelle, créative et généreuse, qui imprègne l'existence. Celle qui fait jaillir l'arbre de terre et se dresser les arbres vers la lumière. Celle qui unit les êtres et leur insuffle de l'amour. Chaque chose a sa raison d'être et notre rencontre n'était pas fortuite, Naïa.