AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet

Citation de Ziliz


Ziliz
27 novembre 2023
Paul B. Preciado
L'homosexualité est un sniper silencieux qui colle une balle dans le cœur des enfants des cours de récréation, il vise sans chercher à savoir s'ils sont gosses de bobos, d'agnostiques ou de catholiques intégristes. Sa main ne tremble pas, ni dans les collèges du VIe arrondissement, ni dans les zones d'éducation prioritaires. Il tire avec la même précision dans les rues de Chicago, les villages d'Italie ou les banlieues de Johannesburg.
L'homosexualité est un sniper aveugle comme l'amour, éclatant comme un rire et aussi tendre qu'un chien. Et s'il se lasse de prendre des enfants pour cible, il tire une rafale de balles perdues qui vont se loger dans le cœur d'une agricultrice, d'un chauffeur de taxi, d'un chanteur hip-hop, d'une factrice pendant sa tournée… la dernière balle a atteint une femme de 80 ans pendant son sommeil.

La transsexualité est un sniper silencieux qui colle une balle dans la poitrine d’enfants plantés devant un miroir ou qui comptent leurs pas sur le chemin de l’école. Il ne se préoccupe pas de savoir s’ils sont nés d’une insémination artificielle ou d’un coït catholique. Il ne se demande pas s’ils viennent de familles monoparentales ou si papa portait du bleu et maman s’habillait de rose. Il ne tremble ni du froid de Sotchi ni de la chaleur de Carthagène. Il ouvre le feu aussi bien sur Israël que sur la Palestine.
La transsexualité est un sniper aveugle comme le rire, éclatant comme l’amour, aussi tendre et tolérant que le sont les chiennes. De temps en temps, il tire, sur une professeure en province ou sur un père de famille, et boum.

Pour ceux qui ont le courage de regarder la blessure en face, la balle devient la clé d’un monde dont ils n’avaient jamais rien vu auparavant. Les rideaux s’ouvrent, la matrice se décompose. Mais parmi ceux qui portent la balle dans la poitrine, quelques-uns décident de vivre comme s’ils ne sentaient rien.
D’autres compensent le poids de la balle en faisant de grands gestes de Don Juan ou de princesse. Des médecins et des Eglises promettent d’extirper la balle. On dit qu’en Equateur une nouvelle clinique évangéliste ouvre chaque jour, pour ré-éduquer les homosexuels et les transsexuels. Les foudres de la foi deviennent des décharges électriques. Mais nul n’a jamais su comment extirper la balle. Ni les mormons ni les castristes. On peut l’enfouir plus profondément dans sa poitrine, mais on ne peut jamais l’extirper. Ta balle est un ange gardien : elle sera toujours à tes côtés.
(...)

-------

• "Homosexualité, transsexualité : nous sommes partout" - tribune dans Libé, le 14 02 2014
https://www.liberation.fr/debats/2014/02/14/nous-sommes-partout_980296/
Texte brillamment lu/interprété par Casey dans le spectacle « Trouble », concert littéraire avec Virginies Depentes, Béatrice Dalle, Casey et le groupe Zëro
Commenter  J’apprécie          40





Ont apprécié cette citation (4)voir plus




{* *}