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Citation de lilianelafond


Avant-propos de 1885
Chateaubriand encadrait son inguérissable dégoût dans les horizons d’une lande bretonne, où se dressaient les tours du vieux château paternel. Nos pessimistes encadrent leur misanthropie dans un décor parisien et l’habillent à la mode du jour au lieu de le draper dans un manteau à la Byron. Pour le psychologue, c’est le fond qui est significatif, et le fond commun est, ici comme là, dans l’A Rebours de M. Huysmans comme dans l’Adolphe de Benjamin Constant, une mortelle fatigue de vivre, une morne perception de la vanité de tout effort. Ce n’est point là une simple attitude. Il y a un accent de vérité qui ne saurait tromper dans les livres dont je parle. Ce n’est pas non plus une simple imitation, et quand on a signalé l’influence de Schopenhauer, on n’a rien dit. Nous n’acceptons que les doctrines dont nous portons déjà le principe en nous. Pourquoi ne pas reconnaître plutôt que toute une portion de la jeunesse contemporaine traverse une crise ? Elle offre les symptômes, visibles pour tous ceux qui veulent regarder sans parti pris, d’une maladie de la vie morale arrivée à sa période la plus aiguë. On s’écrie : c’en est donc fait de la vieille gaieté française… — Entre parenthèses, je cherche en vain cette gaieté, cette légère et allègre manière de sourire à la vie en la chansonnant, et dans Pascal, et dans La Rochefoucauld, et dans La Bruyère, et dans Bossuet, lesquels furent cependant des génies de pure tradition française. — Mais si cette gaieté s’en est allée presque entièrement, n’existe-t-il pas une cause ou des causes à cette disparition ? Si la belle vertu de vaillance a cédé la place à l’inutile et morne « à quoi bon », si la conscience de la race paraît troublée, n’y a-t-il pas lieu de rechercher la raison de ce trouble visible ? Par des épigrammes on a tôt fait de montrer que les écrivains désespérés s’accommodent pourtant à la vie ; on les saisit en flagrant délit de contradiction avec les théories et les sentiments de leurs livres. Que prouve cette contradiction ? Que l’homme est complexe, que la pensée et les actes ne vont pas toujours de compagnie, que l’instinct de durer persiste, invincible aux raisonnements. Depuis quand la maladie a-t-elle été une chose absolue, non susceptible de degrés, non conciliable avec une certaine portion de santé ? Tant mieux si ce reste de santé permet que le patient continue d’aller et de venir, et de faire figure d’homme. Est-ce un motif pour ne pas étudier le mal dont il souffre, surtout si la contagion de ce mal s’étend et menace d’envahir un grand nombre d’autres personnes qui n’auront pas, elles, la force de résister avec autant d’énergie ?
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