B.
Ma vie était comme une maison que je connaissais dans ses moindres parties. Et tant je la connaissais que je ne la voyais presque plus - Ses formes régulières, ses avantages, ses inconvénients me semblaient ceux de mon corps même et de mon temps.
Je ne concevais pas d'autres demeures. Mon âme était là, et si habituellement là qu'elle n'était, en somme, nulle part.
Un jour, j'ai touché par hasard je ne sais quel ressort et voici qu'une porte secrète s'est ouverte. Je suis entré dans des appartements étranges et infinis. J'étais bouleversé pas à pas par mes découvertes. Je sentais en me mouvant dans ces chambres inconnues et si mystérieuses qu'elles étaient la vraie demeure de mon âme.
VIII, 778 (1922) Poèmes et PPA
Note de l'éditeur
B.: Béatrice, l'un des surnoms de Catherine Pozzi. Valéry a rangé cette page sous la rubrique « Éros ».