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Citation de PetiteBichette


Seule la chasse aux insectes me sort parfois de ma léthargie. C'est le sport national de la Manouba. Le plus souvent, ce sont les mouches qui font s'agiter les détenues. On voit leurs bras se balancer dans la pièce comme des queues de vache dans un pré. Balayage à droite, balayage à gauche, c’en est devenu machinal. Je chasse les mouches comme je ramène mes cheveux derrière mes oreilles, sans y penser. Quand un cafard s'approche, en revanche, c'est une autre histoire. Je bondis comme une chatte. C'est une cohabitation à laquelle j'ai plus de mal à me faire. Ils ne sont pas très gros mais téméraires, ils n'hésitent pas à grimper sur les lits. Ils respectent toutefois un Code de la route assez strict en n’empruntant la plupart du temps que les boulevards des barreaux en métal. Il faut vraiment qu'il se soit égaré pour qu'on en retrouve un dans les chemins de traverse de nos draps. Mais si un pied ou une main leur barre la route ils n'hésitent pas à gravir l'obstacle et les vols planés des pichenettes que nous leur infligeons ne semblent aucunement entamer leur détermination. Leurs carapaces épaisses et leurs petites pattes élancées les protègent en cas d'accident. Sitôt atterris, ils sautent sur leurs pieds et se remettent en route. Les occupantes des couchettes inférieures souffrent encore plus de ces envahissants colocataires, car les cafards circulent sans vergogne au-dessus de leurs têtes sur les sommiers en métal qui semblent constituer les centres névralgiques de leur petit réseau routier. Jour et nuit, ils sont là qui se promènent, échangent des informations olfactives, transportent un paquet, font la course, s’accoudent à un barreau, grignotent un morceau de rouille, s'accouplent sous nos yeux puis repartent en sifflotant, les antennes dans les poches. Leurs vies sont bien plus trépidantes que les nôtres. Il n'y a pas d'autre choix que de se résigner à assister à ce spectacle décadent. Le temps d'en chasser un, cinq autres apparaissent. Les lits éloignés des sanitaires sont plus préservés. J'ai tôt fait de comprendre pourquoi les lits superposés attenants aux toilettes sont cordialement laissés aux primo-arrivantes. À nous les odeurs, les bruits et les cafards. Les anciennes ont déjà donné.
(p.63-64)
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