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Citation de Charybde2


Ce n’est pas que l’on trouve chez nous moins de commerces de restauration mais, au contraire d’ici, les nôtres s’apparentent davantage à des fast-foods qu’à des comptoirs de vente à emporter : les mets sont présentés en vitrines derrière lesquelles se tiennent des hommes vêtus de blouses immaculées et coiffés de toques de cuisinier.
Adriani s’approche d’une vitrine. Au début, je me dis qu’elle souhaite commander un complément de repas vu que son appétit a été coupé net quand elle m’a vu sortir mon portable. En fait, je me trompe. Elle reste plantée là, à détailler la vitrine et les plats exposés. Elle rêvasse devant les préparations à l’huile, les boulettes de viande déclinées dans des formes variées, les riz divers et les viandes grillées. Elle regarde les colonnes alignées le long des murs des gyros qui tournent sur eux-mêmes pour cuire la viande dans laquelle on tranche le kebab. Elle semble incapable d’en détacher les yeux.
– Vous aimez la cuisine, madame Charitos ? lui demande gentiment Mme Mouratoglou.
– Comment avez-vous deviné ?
– À votre regard. Vous avez celui d’une spécialiste, répond-elle avant d’hésiter un instant. D’une spécialiste un tantinet envieuse.
Bien que Mme Mouratoglou ait répondu de manière amicale, sans aucune intention de blesser, je m’attends à ce qu’Adriani prenne la mouche et m’apprête d’ores et déjà à la contenir pour ne pas nous retrouver en froid avec la seule personne qui fait montre d’un peu d’affection pour nous ces derniers temps. Mais Adriani me surprend lorsqu’elle s’adresse en souriant à Mme Mouratoglou :
– Toutes les bonnes cuisinières sont un peu jalouses un jour ou l’autre, madame Mouratoglou. Ce qui me plaît tant, ici, c’est l’abondance. L’œil est autant rassasié que l’estomac.
Nous remontons Péra en direction de la place Taksim non sans difficulté à cause de la foule en sens inverse.
– Vos confrères, monsieur le commissaire, me murmure Mme Mouratoglou en me montrant discrètement une ruelle sur notre gauche.
En guise de confrères, je vois surtout une brigade de policiers en grande tenue de combat : casque, bouclier et matraque. Ils ont barré la ruelle sur toute sa largeur et sont prêts à intervenir au moindre accroc. J’imagine le sermon que nous aurait seriné le ministre, voire tous les membres du gouvernement réuni, si nous mettions en faction quelques membres des MAT rue Santaroza ou encore rue Charilaou Trikoupi, également fréquentées. Nous aurions eu droit à toute la gamme de noms d’oiseau, allant du gentil « flicaillons » jusqu’au dédaigneux « fascistes », en passant par un hostile « mercenaires ».
– Ils sont là tous les soirs ou il y a quelque chose en particulier aujourd’hui ? dis-je à Mme Mouratoglou dans l’espoir d’en apprendre davantage.
– Je ne viens pas ici tous les soirs, comme vous savez. Mais ils y sont chaque fois que je passe dans ce quartier.
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