Philippe Autrive

"Il revoyait son père, en bleu de chauffe, la Brillantine Gel Cadoricin sur les cheveux et la besace écossaise sur le dos. Il l’entendait quitter l’appartement, chaque matin, dès potron-minet, pour aller prendre son travail à la RATP, près du parc Montsouris. « Nous avons eu la chance d’obtenir un logement HLM au cours du terrible hiver 54, et c’est avec cette évolution de la société que Mirabelle et p’tit Louis, puis Pépita et Cornichon ont cédé leur place sur le petit écran à Nicolas et Pimprenelle », disait-il souvent à la veillée. Un soir par semaine, Antoine l’accompagnait au cinéma de quartier « Le Colbert » où il avait un job qui leur permettait de « joindre les deux bouts », de « mettre du beurre dans les épinards », ou encore d’acheter un grille pain ou un mini-four. L’entracte était délicieux quand il se dirigeait vers lui, sa grande corbeille d’osier en bandoulière, pour lui tendre un chocolat glacé, un mistral gagnant, un cornet de pop corn sucré ou un sachet de pralines. Le fiston était fier de dire à sa ribambelle de copains peigne-cul aux yeux écarquillés, que son paternel travaillait dans le cinéma ! "