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Critiques de Pierre Hassner (4)
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La revanche des passions

Pierre Hassner est une personnalité hors normes. Né en 1933 en Roumanie, arrivé en France à 15 ans avec sa famille qui fuyait le régime communiste, il étudie la philosophie rue d’Ulm. Il complète sa formation à l’Université de Chicago où il suit l’enseignement de Leo Strauss. De retour en France, il devient l’assistant de Raymond Aron et coopère à ce titre à l’écriture de son opus magnum « Paix et guerre entre les nations ». Pendant près de quarante ans, il enseigne les relations internationales à Sciences Po Paris mais aussi à John Hopkins, à Chicago, à Harvard et à Montréal. Comme Raymond Aron, il aborde les relations internationales en philosophe et en historien.

Il a exercé une influence déterminante sur toute une génération d’étudiants et de chercheurs alors même qu’il n’a quasiment jamais publié un seul ouvrage. Cette coquetterie prête d’ailleurs à sourire dans un milieu où l’édition d’un livre vaut souvent brevet de respectabilité. Soulevant plus de questions qu’elle n’apporte de réponses, la pensée de Pierre Hassner, mouvante, complexe, s’est toujours refusée à s’enfermer dans la forme close d’un livre – tout comme elle a renâclé à commenter sans recul l’actualité immédiate. Elle s’est déployée « dans les propos d’étape et le moyen terme » (p. 9) : articles innombrables, interventions dans des colloques, contributions à des ouvrages collectifs ….

Ces articles ont été regroupés en trois tomes publiés à dix ans d’écart : « La Violence et la Paix » en 1995, « La Terreur et l’Empire » en 2003 et « La Revanche des Passions » aujourd’hui. Le procédé n’est pas sans inconvénient, qui mélange des productions de taille, d’objet et de diffusion hétérogènes. Autre inconvénient consubstantiel au genre : les redites d’un article à l’autre.

Le fil directeur de ce recueil est censé être la revanche des passions sur la raison. L’idée n’est pas nouvelle puisque Thucydide avait déjà identifié les trois passions qui font agir les peuples et leurs dirigeants : la peur, l’avidité et l’amour-propre nourrissant un triple besoin de sécurité, d’enrichissement et de reconnaissance. L’idée n’est pas non plus originale : de Dominique Moisi (« La géopolitique de l’émotion », 2009) à Bertrand Badie (« Le temps des humiliés », 2014) en passant par Richard Ned Lebow (« Why Nations Fight », 2010), l’idée s’est répandue que le monde contemporain était moins guidé par la raison que par les affects.

Mais, comme toujours chez Hassner, son vrai sujet est la complexité du monde, qui échappe aux catégorisations simplistes. Hassner signe un triple acte de décès. Fin de l’ordre international organisé pendant la Guerre froide autour de deux pôles de puissance antinomiques, que ne vient tempérer aucune « gouvernance mondiale », aucune « communauté internationale ». Diversification des acteurs et des instruments de leurs actions : les Etats, une catégorie de plus en plus hétérogène qui rassemble l’hyperpuissance étatsunienne et les Etats faillis de Somalie ou de Libye, sont concurrencés par d’autres acteurs. Brouillage de la frontière entre la guerre et la paix : nous vivons désormais dans un état de violence plus ou moins tendu dont nous ne sortirons ni par une déclaration de guerre ni par un traité de paix.

Pierre Hassner aime la dialectique, les paradoxes, les oxymores, les chiasmes. Pour rendre compte de la faillite des idéologies et du brouillage entre démocratie et dictature, il parle de « démocrature » - Fareed Zakaria parlait lui de démocraties illibérales – soit des dictatures qui essaient de se légitimer en mettant en place des processus formels de démocratisation. Pour évoquer la modernité et ses paradoxes, il évoque l’embourgeoisement du barbare et la barbarisation du bourgeois. Pour définir la guerre froide et l’après-guerre froide : la menace sans les risques vs. les risques sans la menace.

Toutes ces formules ne forment pas un système, aussi cohérent, aussi synthétisable que ceux conçus par Fukuyama ou Huntington pour résumer le monde. La pensée de Hassner est complexe. Pas pour le plaisir de compliquer les choses. Mais parce que le monde l’est.
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Etats-Unis : l'empire de la force ou la for..

Les cahiers de Chaillot sont des monographies régulièrement publiées par l’Institut d’Etudes de Sécurité (IES), une agence de l’Union Européenne basée à Paris. Pierre HASSNER, l’un de nos esprits les plus brillants y analyse les conséquences du 11 septembre sur la posture stratégique américaine.



Il cherche les racines de l’attitude actuelle des Etats-Unis dans leur histoire. Analysant successivement les guerres de Sécession, de Corée et du Vietnam, il propose de remplacer les classiques binômes idéalisme/réalisme, isolationnisme/internationalisme par une combinaison d’exceptionnalisme et d’unilatéralisme qui rend mieux compte de la politique extérieure américaine.



Il présente ensuite les trois termes de la trinité de Clausewitz, auteurs et acteurs de la posture américaine. Il décrit une opinion publique moins isolationniste qu’on ne le croit, mais oscillant constamment « entre l’idéalisme visant à sauver le monde et l’isolationnisme visant à s’en échapper » (p.27). L’opinion publique est moins réticente à la perte de vies humaines que les militaires. Ceux-ci, victimes du « syndrome vietnamien », se croient mal aimés alors même qu’ils jouissent d’un prestige peu commun dans les démocraties et que la guerre contre le terrorisme les remet en première ligne.

Au sommet, le pouvoir hésite. Chaque président élu promet de redonner la primauté à la politique intérieure, à l’économie. Chaque président est pourtant inéluctablement happé par les affaires du monde. Clinton a mis en œuvre un « néo-wilsonisme pragmatique» (l’expression est d’Anthony Lake) visant l’élargissement de la démocratie et de la paix. Au début de sa présidence, Georges W. Bush n’a pas immédiatement mené la politique simpliste qu’on craignait. Face à Rumsfeld et Wolfowitz, il a donné sa chance à la ligne Powell.



Le double sentiment de vulnérabilité induit par le choc du 11 septembre et d’invincibilité depuis la disparition de l’Union soviétique conduit néanmoins les Etats-Unis à une sorte de « wilsonisme botté » (p. 43). La guerre contre le terrorisme exonère les Etats-Unis de leurs obligations internationales ; elle les autorise à désigner des Etats-voyous susceptibles d’abriter des terroristes et de les combattre, fût-ce à titre préventif ; elle frappe d’obsolescence la discussion nucléaire et l’équilibre de la terreur.



Pierre Hassner a raison de pointer les risques de cette dérive. La guerre préventive ou pre-emptive ouvre la porte à un « dilemme de sécurité » pour l’Etat qui en est la cible : s’il va être attaqué au motif qu’il a l’intention de se doter d’armes de destruction massive, autant qu’il s’en dote le plus rapidement possible pour s’en défendre! Elle pose surtout un problème de légitimation : quelle autorité décide de ce qui est un état voyou ? quelle instance autorise une guerre pre-emptive ? Enfin, cette combinaison d’exceptionnalisme (les Etats-Unis habilités par la pureté de leurs intentions à juger du bien et du mal) et d’unilatéralisme rencontrera les limites de tout empire hobbesien fondé sur la force. Si les Etats-Unis peuvent unilatéralement renverser un régime, ils ne peuvent, seuls, reconstruire un Etat. Ils auront besoin de la communauté internationale pour gérer l’ordre. Et s’ils ne coopèrent pas, ils devront craindre d’être haïs. « Nous pouvons dire que nous n’abuserons pas de ce pouvoir étonnant et sans précédent. Mais chaque autre nation craindra que nous en abusions. Il est impossible que tôt ou tard cet état de choses ne produise pas une combinaison qui puisse aboutir à notre ruine » écrivait déjà Edmund Burke en 1790.
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Repousser les frontières ?

Quelques passages intéressant notamment sur la question des migrants...Mais le texte tombe trop souvent dans un discours compliqué où les auteurs se complaisent..; Très difficile d'accès, beaucoup de bla-bla...Au final, un livre assez ennuyeux ! Toutefois, François Morel sauve la fin de cet essai par son intervention à la fois drôle et intelligente.

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La revanche des passions

Dans son ouvrage La revanche des passions, Pierre Hassner tente d’analyser les raisons du retour de la violence en politiques en interrogeant les fondamentaux philosophiques et historiques de cette guerre ouverte contre la société bourgeoise et l’horizon indépassable de la démocratie libérale. Prenant acte de ce retour de la guerre en l’absence d’ordre international, il s’interroge sur les conditions d’une intervention juste. Mais en raisons des diverses mutations contemporaines des conflits, les formes traditionnelles d’intervention semblent impuissantes. La résurgence du totalitarisme et la résilience des nations laissent entrevoir des possibilités de conflits sans fin.

Retrouvez le compte-rendu complet ici :


Lien : http://www.trop-libre.fr/l%E..
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