Pierre Magnan

[...] ... - "Je suis Félicien Dardoire !" annonça le plus grand et le plus gros, comme si ce nom devait inciter le juge à lui offrir un siège.

Il poursuivit très vite;

- "Mais avant toute chose, que je vous prie d'excuser notre odeur. Depuis huit jours, nous vivons dans la compagnie d'une peau de chèvre écharnée à cru et rongée par les vers et d'un sac de fressures d'agneau avariées. Ajoutez à ceci que mon garde s'est enduit le visage et les mains avec de la graisse de blaireau, de sorte que ...

- Mais qui êtes-vous donc ?" questionna le juge avec impatience.

- "Félicien Dardoire ! Eleveur de vin. Président départemental de la fédération ! Et voici mon garde adjoint : Antoine Donatello.

- Fort bien ! La fédération de quoi ?

- Mais ... la fédération de chasse ..."

Le personnage semblait tout étonné. Qu'on pût ne pas le connaître le laissait interdit.

- "Ah ... la fédération de chasse ..." répéta le juge.

Il n'aimait pas les chasseurs. Il avait toujours évité de les fréquenter. Il n'avait jamais imaginé pourtant qu'ils pussent sentir aussi mauvais.

- "Que puis-je pour vous, messieurs ?" questionna-t-il froidement.

Le président cherchait un siège des yeux. Le juge enfin lui en désigna un, voulut aussi que le garde se détendît, mais celui-ci refusa.

- "Je sens trop mauvais ...," dit-il humblement. "Je vous gâterais vos chaises.

- Je n'abuserai pas de vos instants," annonça le président Dardoire en s'asseyant. "Je vous explique d'abord que, depuis huit jours, avec mon garde adjoint, nous parcourons les communes de l'arrondissement en vue de la destruction des nuisibles.

- Lesquels ?" demanda le juge.

- "Les renards et les blaireaux."

Chabrand eu un haut-le-corps. Les renards et les blaireaux étaient ses animaux de prédilection. ... [...]