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Citation de Cielvariable


— Qu’attends-tu ? Dépêche-toi !

— Qui… Qui parle ? demanda Marguerite, légèrement paniquée

— Je m’appelle Gabriel. Suis-moi !

— Suis-moi, suis-moi… Je ne te vois même pas !

Avec appréhension, Marguerite se glissa néanmoins silencieusement hors de son lit. Elle enfila sa robe de chambre et, avec l’intention de seulement voir qui parlait, elle fit un pas. Les autres se firent tout seuls. Elle n’avait plus la maîtrise de ses jambes. Elle maîtrisait tout le reste, mais pas ses deux membres inférieurs ! Doucement, à pas feutrés, elle sortit de la chambre, puis de l’hôtel et se dirigea vers la plage. Ses jambes avançaient toujours toutes seules et se dirigeaient dangereusement vers la mer !

— Non, non, je suis allergique ! ! ! dit-elle complètement affolée, cette fois.

— Fais-moi confiance, entendit-elle.

Sans trop savoir pourquoi, elle décida de faire confiance à cette voix et entra tranquillement dans l’eau. Elle était chaude et douce. Son inquiétude précédente faisait maintenant place à une étrange sensation de plaisir et de bien-être. Elle fit quelques pas et, soudain, elle sentit un léger chatouillis sur ses jambes. Elle descendit la main le long de son corps et, avec un frisson de dégoût, elle palpa les écailles que provoquait son allergie. Au même moment, elle vit surgir de l’eau un visage qui lui était vaguement familier.

— D’où viens-tu ? demanda Marguerite, apeurée devant ce visage surgissant de nulle part.

— De l’océan, répondit l’inconnu.

Incrédule, Marguerite sentit son cœur battre la chamade et elle se demanda alors si elle était saine d’esprit.

— Qui es-tu ?

— Je m’appelle Gabriel Beaver, mais tu peux m’appeler Gab. Je suis un de tes gardiens.

Il semblait à Marguerite que ces paroles « Je suis un de tes gardiens » résonnaient sans cesse dans sa tête.

— Mon gardien ? demanda Marguerite, sceptique.

— Exactement. Je veille sur toi depuis ta naissance, et il est maintenant temps que tu rejoignes ton frère jumeau, répondit tout naturellement Gab, qui avait l’air aussi détendu que s’il faisait une banale remarque au sujet de la présence de la lune dans le ciel à la nuit tombée.

Frère jumeau… Frère jumeau…

— Mais je n’ai pas de frère jumeau ! s’exclama immédiatement Marguerite, de plus en plus surprise de ce qu’elle entendait.

— Bien sûr que tu en as un ! Vous avez été séparés à la naissance, comme le veut la tradition. C’est ce qui vous permettra de prendre la relève d’Usi, votre oncle, et d’Una, votre mère.

Votre mère… Votre mère…

Marguerite, assommée, avait encore la bouche grande ouverte lorsque Gab continua :

— J’avais vraiment hâte que le moment soit venu. Ton frère et toi avez beaucoup de travail avant le début des épreuves.

Épreuves… Épreuves…

— Es-tu prête ? Tu dois, tout d’abord, apprendre à te servir de ta queue.

Queue… Queue…

De quoi parle-t-il ? Je n’ai pas de queue. Tout à coup, elle prit conscience du fait qu’elle ne marchait plus dans l’eau. En réalité, elle ne touchait même plus le sol ! Comment, alors, arrivait-elle à se tenir ainsi à la verticale ? Pour couronner le tout, il faisait noir et elle n’y voyait rien.

— Pouvons-nous aller nous asseoir sur la plage ? réclama-t-elle, l’air égaré.

À cette question, Gab, les yeux brillants d’espièglerie, éclata de rire. Marguerite n’en fut pas froissée, même si elle ne comprenait pas pourquoi il riait. Elle s’attarda plutôt à écouter son doux rire, à la fois franc et mélodieux.

— Il n’est pas nécessaire d’aller sur la plage lorsqu’on est une sirène, lui fit remarquer Gab.

— Ben voyons, tout le monde sait que les sirènes n’existent pas et puis, tu ne peux pas être une sirène, tu es un garçon, rétorqua-t-elle spontanément.

— Tu sais, dans l’océan, il y a autant de sirènes mâles que de sirènes femelles. Seulement, les humains l’ignorent.

Complètement sidérée par le discours que Gab tenait depuis leur rencontre, Marguerite avait l’impression que son cerveau avait perdu plus des trois quarts de ses facultés et qu’il lui serait, à tout jamais, impossible de faire de nouveau des liens entre les événements. Et pourtant, la nature étant ce qu’elle est, tout doucement, Marguerite commença à saisir toute l’ampleur des paroles de son gardien. Elle rassembla tout son courage pour lui poser la question qui lui semblait être la plus idiote de sa vie, mais qui lui brûlait les lèvres malgré tout.

— Suis-je, moi aussi, une sirène ?

Au lieu de répondre à sa question, Gab plongea dans l’eau et saisit un des pieds de Marguerite. Il remonta à la surface en le tenant toujours entre ses mains. Heureusement pour la jeune fille, ses yeux s’étaient graduellement adaptés à la noirceur. C’est ainsi que, quoique légèrement déstabilisée, elle put distinguer, émergeant de l’eau, l’extrémité d’une grosse queue de poisson. Soudain, elle comprit qu’il s’agissait de… ses pieds ! Gab la fixa intensément dans les yeux et la peur première qui l’avait envahie se dissipa.

— Haaaa ! Mon allergie n’était donc pas vraiment une allergie ? s’exclama Marguerite, qui commençait à comprendre.

Gab, qui se souvenait parfaitement des critiques cinglantes que lui avait values cet épisode, ne jugea pas nécessaire de relever la remarque. Il avait failli perdre sa licence de gardien pour avoir laissé, une année plus tôt, Cynthia Duguay acheter du sel de mer. Voilà déjà quatorze ans qu’il occupait la fonction de gardien, et Marguerite était sa première protégée. Heureusement, malgré cette négligence, Madame de Bourgogne, la directrice des gardiens, avait pris sa défense, et tout s’était bien terminé. Elle avait su souligner son excellent travail auprès de Marguerite au cours des dernières années. En effet, cette dernière avait été une enfant particulièrement difficile à surveiller en raison des très nombreux incidents et accidents qui s’étaient, année après année, accumulés dans son dossier. Cependant, sans qu’on comprenne trop pourquoi, Ced, le gardien du cousin de Marguerite, avait paru déçu, voire amer, en voyant Gab s’en tirer à si bon compte.

Marguerite le ramena cependant rapidement en mer en lui demandant ce qu’elle devait faire maintenant.

— Tu dois apprendre à te servir de ta queue.
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