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Citation de Charybde2


La rapidité actuelle des changements, la vitesse à laquelle se créent des situations nouvelles correspondent plus au pas de l’homme, impétueux et irréfléchi, qu’à l’allure pondérée de la nature. La radioactivité ne provient plus simplement des émissions des roches naturelles et des bombardements de la Terre par les rayons cosmiques ou les ultraviolets du soleil, phénomènes antérieurs à la vie elle-même ; désormais, elle résulte aussi des créations artificielles de l’homme, qui joue avec les atomes. Les produits chimiques auxquels la vie doit s’adapter ne sont plus seulement le calcium, la silice, le cuivre, les minéraux arrachés aux roches par les eaux et transportés par les fleuves jusqu’à la mer ; ce sont aussi les produits de synthèse imaginés par l’esprit inventif de l’homme, fabriqués dans ses laboratoires, et sans équivalent naturel.
Pour s’adapter à ces éléments inconnus, la vie aurait besoin de temps à l’échelle de la nature : c’est-à-dire de siècles. Si d’ailleurs, par quelque miracle, cette adaptation devenait possible, elle serait inutile, car un flot continuel de produits chimiques nouveaux sort des laboratoires : près de 500 par an aux États-Unis. Ce chiffre est effrayant, et ses implications difficiles à saisir : 500 nouveaux produits totalement étrangers à l’expérience biologique, auxquels l’homme et l’animal doivent s’adapter tant bien que mal chaque année !
Parmi ces produits, bon nombre sont utilisés par l’homme dans sa guerre contre la nature. Depuis le milieu des années 1940, plus de 200 produits – sans parler de leurs dérivés – ont été créés pour tuer les insectes, les mauvaises herbes, les rongeurs, tout ce que le jargon moderne appelle les « nuisibles ». Ces substances sont vendues sous plusieurs milliers de noms de marque différents.
Sprays, poudres, aérosols sont utilisés presque universellement dans les fermes, les jardins, les forêts, les maisons d’habitation ; ce sont des produits non sélectifs, qui tient aussi bien les « bons » insectes que les « mauvais », qui éteignent le chant des oiseaux, coupent l’élan des poissons dans les rivières, enduisent les feuilles d’une pellicule mortelle, et demeurent à l’affût dans le sol ; tout cela pour détruire une poignée d’herbes folles ou une malheureuse fourmilière.
Est-il réellement possible de tendre pareils barrages de poison sur la terre sans rendre notre planète impropre à toute vie ? Ces produits ne devraient pas être étiquetés « insecticides », mais « biocides ».
Cette démarche de pulvérisation semble nous entraîner dans une spirale sans fin. Depuis que le DDT a été homologué pour l’usage civil, un processus de surenchère s’est mis en place, qui nous a contraints à trouver des substances toujours plus toxiques. Les insectes, en effet, dans une splendide confirmation darwinienne de la « survie du plus adapté » ont évolué vers des super-races immunisées contre l’insecticide utilisé ; il faut donc toujours en trouver un nouveau plus meurtrier – et un autre, plus meurtrier encore. Cette obligation a engendré aussi des contre-attaques lancées par la nature : au lieu de tuer les insectes, les pulvérisations entraînent souvent leur multiplication, pour des raisons que nous expliquerons plus loin. La guerre chimique n’est donc jamais gagnée, et toutes les vies sont exposées à ces violents feux croisés.
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