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Citation de mimo26


En 1918, juste après le départ des Allemands, j’ai donc commencé à travailler avec lui dans son appartement. J’avais à peine 8 ans. Voilà comment les choses se passaient : le chapelier achetait en nombre des uniformes et des capotes abandonnées par les soldats à la fin de la guerre. Mon premier vrai travail consistait à défaire complètement les coutures avec une lame de rasoir pour mettre l’étoffe à plat. Celle-ci allait ensuite servir à la confection des casquettes. Cela durait des heures. L’étoffe une fois préparée était ensuite teinte en bleu marine, noir ou marron. Je me souviens que l’apprêt des teintures dégageait dans tout l’appartement une odeur âcre qui piquait le nez. Mon patron m’emmenait aussi régulièrement avec lui le mardi et le vendredi faire les marchés. Mon rôle n’était pas compliqué : je devais préparer et surveiller l’étalage. Pour avoir un bon emplacement, il fallait partir très tôt le matin. N’ayant pas eu mon compte de sommeil et de nourriture la veille (comme c’était souvent le cas), il m’arrivait de m’écrouler de fatigue pendant le chemin ou de dormir carrément debout. D’un coup de coude bien placé, le chapelier savait alors me réveiller. Nous faisions non seulement tous les marchés, mais également ceux qui se tenaient à l’autre bout de la région. Deux fois par mois, nous nous éloignions jusqu’à une soixantaine de kilomètres de Wroclawek pour atteindre les grands marchés des villes de province. Dans ce cas-là, nous partions en chariot la veille à 8 heures du soir pour arriver à destination le lendemain vers 4 heures du matin. Ces voyages étaient bien organisés. Nous étions environ dix personnes sur une charrette remplie de robes, de chaussures et d’articles divers, que nos compagnons de voyage, des commerçants de Wroclawek, allaient vendre. J’étais continuellement affamé durant ces voyages fatigants. La nuit, quand tout le monde s’était endormi (j’attendais ce moment avec impatience), j’allais grignoter en douce tout ce que je pouvais chiper dans les paniers à provisions : une cuisse de poulet rôti par-ci, un bout de pain par-là. Un jour, je me souviens avoir pris un poulet entier. Je n’en avais pas mangé depuis trois ou quatre ans. J’avais pris le risque tout en sachant qu’il m’en aurait coûté cher si je m’étais fait prendre par le propriétaire du poulet ou le chapelier, un homme peu commode et parfois violent. La preuve, je me souviens qu’un jour où j’étais chez eux, sa femme entra en sanglots dans la cuisine, en tenant son doigt que son mari venait de mordre jusqu’à l’os pour la punir de je ne sais quoi. Elle tendait son doigt vers moi pour me le montrer. Cette pauvre femme pleurait et souffrait tellement que, du coup, moi aussi je me mis à pleurer sincèrement.
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