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Critiques de Rémy-François Humeau (1)
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Les Poéciles de Satvis

« Les Poéciles de Satvis » est un roman assez déroutant écrit en 1981 par Rémy-François Humeau. A mi-chemin entre le réalisme et le fantastique, cet ouvrage m’a rappelé « L'Odyssée fantastique d'Arthur Dément », ouvrage écrit en 1976 par Mario Mercier et dont j’avais posté une critique sur Babelio. J’y ai retrouvé le côté débridé, pour ne pas dire un peu fou, mais aussi l'irréalisme, le cocasse, l’absurde et l’érotisme qui caractérisent le livre de Mario Mercier. Il n’y a pas eu de plagiat car Rémy-François Humeau a ajouté une dimension kafkaïenne à ce qui ressemble fort à une leçon de philosophie.



L’histoire : Jean est collégien. Il réside à Satvis, cité (ou planète) imaginaire plongée éternellement dans le brouillard. Dehors, tout est blanc-gris. A Satvis, il y a des habitants-rois adultes et des enfants. La sélection règne en maître : les bébés qui ne répondent pas à certains critères sont broyés (page 34). La discipline est de rigueur : les adultes ne doivent pas penser ; il leur faut obéir et suivre les règles de la coutume (code de référence en usage à Satvis) laquelle édicte les règles (bon, je vous l’accorde, ça sent un peu la tautologie) ; il leur faut bien faire leur métier pour être des habitants-rois modèles. Les adultes qui ne respectent pas les règles sont chassés de Satvis, condamnés à errer comme des âmes en peine. Adepte du lait-fraise, Jean a une mère qui le materne (page 16) et il n’aime pas trop les filles entreprenantes (page 18) depuis une expérience homosexuelle récente (page 32). Jean a été choisi comme futur capitaine de Satvis car il a montré qu’il savait obéir aveuglément (il a tué au couteau trois hommes qu’il ne connaissait pas, sur simple demande de Jorge, un inconnu). Dans cet univers sans couleurs, où les hommes cherchent le bonheur, le sentiment d’être prisonnier (page 57) peut conduire à la rébellion contre l’ordre établi. Seul le capitaine (qui est grand, magnifique et musclé) connaît la vérité : il stocke dans son armoire des rouleaux de couleur mais il ne les distribue pas aux habitants-rois car alors ils seraient tous heureux, et réclameraient sans cesse un excédent de bonheur. Jean laisse donc sciemment le brouillard s’installer sur Satvis, faisant croire aux hommes que les couleurs peuvent les tuer : ainsi, il change définitivement les aspirations des hommes. Mais certains ne mangent pas de ce pain là. Les « coutumeurs » veulent faire évoluer les règles ! Jean leur montre les couleurs, et ils se suicident car ils ne peuvent supporter d’avoir vu le monde tel qu’il est. Biodu, chauffeur et directeur de chorale, Naru, le visionnaire, Maro, la reproductrice et Sitan, le calibreur d’enfants sont élus habitants-rois méritants et ils demandent à avoir des couleurs ! Jean leur donne, et ils meurent en regardant les couleurs. Rida veut « sortir de ce jeu inerte » ! On le chasse de Satvis : il part avec quelques rouleaux de couleurs soigneusement dissimulés. En chemin, il se rend compte que le brouillard n’est pas naturel, qu’il est fabriqué et transporté sur Satvis par les poéciles, sorte de jolies petites mésanges également appelées nonnette à cause de leur plumage gris et de leur tête noire. Rida rencontre Aumoléon, errant comme lui dans le brouillard, à l’agonie. Alors il le force à avaler des couleurs et c’est le miracle : Aumoléon (page 132) reprend vie, offre des fleurs à Rida et, tout heureux, se met à chanter à plein poumons. Les habitants-rois de Satvis l’entendent et ils partent en file indienne, dans le brouillard, à sa recherche, et à la recherche du bonheur suprême. Jean, leur capitaine, essaye de les retenir mais … Je n’en dis pas plus !



Explications : au final, qu’est-ce que le bonheur ? Pour être heureux, faut-il se fondre dans la masse et obéir servilement aux règles, l’atteinte par chacun de l’objectif qui lui est assigné par la hiérarchie sociale se suffisant à elle-même, étant « naturellement » génératrice du bonheur tant espéré, ou faut-il, comme Rida, se manifester, se rebeller et sortir de l’ornière, quitte à jouer gros et à mettre en danger sa propre existence personnelle ? Entre asservissement et bannissement, le choix est délicat : autant choisir entre la peste et le choléra ! L’homme peut probablement trouver un bonheur superficiel et éphémère en bâtissant sa vie, libre, avec équilibre (page 28). Mais, sans code de référence, sans coutume, sans règles, l’homme ne peut se situer et situer ses actes (page 36). La liberté doit donc être encadrée. Il convient de faire attention à la règle qui peut s’avérer monstrueuse, contre nature : ainsi, sur Satvis, les coutumeurs sont trois en un, trois têtes pour un seul corps. Cette anomalie ne doit pas faire dévier du chemin qui est tracé : le chemin du bonheur. Entre l’absence de bonheur qui n’est pas tolérable et la quête du bonheur suprême qui relève de l’utopie, la dictature constitue une cible tentante (Jean, capitaine des habitants-rois se comporte comme un dictateur) avec son pseudo-bonheur à portée de main. Alors, que faire ? Contentons-nous de peu : situons-nous au centre de la folie et de l’équilibre, regardons et profitons de la vie. N’est-elle pas belle (page 132) ?



L’écriture est sobre, limpide, un tantinet provocatrice. L’humour, parfois très noir, et l’érotisme, rarement torride, irriguent l’ouvrage. Le scénario est bien construit et les personnages sont ubuesques à souhait. Une plongée originale, rapide (le livre compte 150 pages) et déroutante dans un monde parallèle : vous en sortirez peut-être en vous posant des questions sur l’orientation de votre vie.
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