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Citation de Partemps


Cependant, l’influence la plus forte que Debussy a subie n’est pas celle des musiciens, mais celle des littérateurs. Paul Dukas, son ami, a noté avec précision comment cela se fit : « Verlaine, Mallarmé, Laforgue, écrit-il, nous apportaient des sonorités nouvelles. Ils projetaient sur les mots des lueurs qu’on n'avait encore jamais vues : ils usaient de procédés inconnus des poètes leurs devanciers ; ils faisaient rendre à la matière verbale des effets dont on ne soupçonnait pas, avant eux, la subtilité ou la force ; pardessus tout, ils concevaient les vers ou la prose comme des musiciens ; ils leur donnaient des soins de musiciens, et comme des musiciens encore, combinaient les images et leur correspondance sonore. » Et ailleurs : « Impressionnisme, symbolisme, réalisme poétique se confondaient dans un grand enthousiasme de curiosité, de passion intellectuelle. Tous, peintres, poètes, sculpteurs décomposaient la matière, se penchaient vers elle, l'interrogeaient, la déformaient, la reformaient à leur gré, appliqués à faire rendre aux mots, aux sons, aux couleurs, au dessin, des nuances, des sentiments nouveaux. »

Telle est l’atmosphère — favorable comme celle d’une serre chaude pour l’éclosion d’une fleur délicate ; tel est le milieu où le talent de Claude Debussy se développe et où s’épanouit son génie. D’autres, moins robustes et moins originaux, s’y fussent étiolés. Le maniérisme dont on trouve quelques traces çà et là chez Debussy, mais qui n’apparaît que pour marquer certains ouvrages d’une date certaine, les replacer dans leur époque, le maniérisme et l'« esthétisme » eussent pu grandement lui nuire, comme à tant d’autres qui furent ses contemporains. Une grâce, méritée par ses dons et d’abord par son absolue sincérité, l’en préserva. Il eut la chance aussi de rencontrer Pierre Louys qui, avec une cordialité charmante, se chargea d’initier son ami aux lettres et de parfaire une éducation artistique incomplète. La correspondance échangée par le compositeur et l’écrivain (elle fut publiée dans L'Esprit Français) montre l’intimité sans nuages de cette belle camaraderie. Pierre Louys aimait la musique ; il en parlait pertinemment et ses jugements n’étaient pas sans profondeur. Chez lui, sur un harmonium, il aimait par des improvisations et des réminiscences, donner une forme à ses rêves. Debussy, à son tour, essayait sur l’instrument médiocre ses subtiles inventions. Les causeries se prolongeaient, des projets de collaboration s’ébauchaient. Au contact d’amis très lettrés comme Henri de Régnier, Maurice Vaucaire, Jean de Tinan, Whistler, Vielé-Griffin, Jacques-Emile Blanche, Ferdinand Hérold, André Lebey, André Fontainas, Lucien Mühlfeld, Maurice Denis, il comblait petit à petit les vides nombreux et étendus de son instruction scolaire. A partir de 1892, Pierre Louys lui fut du plus grand secours, et son rôle auprès du musicien est parfaitement défini par ce mot de Paul Valéry : « Debussy trouva dans Pierre Louys un enseignement ou des clartés essentielles sur les lettres et, en somme, le plus précieux soutien de sa carrière, sous toutes les formes, dans tous les moments et dans toutes les difficultés jusqu’à la gloire. »
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