La Révolution ne s'arrête pas à Thermidor, ni au Consulat.
L'Empire appartient à l'héritage de la Révolution. Il l'aggrave ou la corrige. Il en est le complément logique.
Fait étrange : Paris n'a que rarement trouvé de véritable historien, selon l'idée qu'aujourd'hui nous nous faisons de l'histoire. Il a suscité, par dizaines, les érudits, et par milliers des amoureux.
Les uns et les autres lui ont consacré des travaux nourris de science et des louanges riches de passion. Mais il reste à écrire un livre qui ne soit ni une étude archéologique, ni une épopée.
L'ouvrage que voici ne saurait prétendre à combler cette lacune.
Du moins cherche-t-il à considérer Paris autrement que comme une collection de pierres ou que comme un objet d'amour. Sans répudier les savantes recherches ni les ardentes ferveurs, il vise à des fins plus synthétiques et moins lyriques.
Paris mérite d'être traité comme une entité vivante, peuplée d'êtres de chair, et dont le destin a été forgé, non pas seulement par des architectes à l'intention de poètes, mais aussi et surtout par des administrateurs, des artisans, des bourgeois, des ouvriers.
L'histoire de Paris n'est pas qu'une histoire monumentale et sentimentale, elle n'est pas non plus une suite de faits divers ; elle est politique, économique, démographique, intellectuelle, industrielle...
(extrait de l'avant-propos inséré en début du volume paru aux éditions "Arthème Fayard" en 1962)
Enfin, la France d’avant la Terreur semble attachée à la paix. Au départ, elle n’affiche aucune ambition de conquête territoriale. L’Assemblée constituante commence même par déclarer solennellement la paix au monde, et ce pacifisme répond aux vœux profonds des Français qui, depuis trois quarts de siècle, n’ont jamais vu un envahisseur sur leur territoire ; Paris n’a pas connu d’occupation étrangère depuis que les Bourbons sont sur le trône.
Paris compte plus de six cent mille habitants. Mais il ne s’en trouve pas un sur dix qui juge utile de répondre à l’appel aux armes. Pour la plupart, ils se soucient plus du ravitaillement et du coût des denrées que de ce qui peut se passer aux Tuileries. Même s’ils ne sont pas indifférents au sort de la patrie, ils préfèrent leurs pantoufles à la bagarre, et ils laissent à de plus hardis le soin de régler les affaires politiques.
La fin dernière du socialisme marxiste, ce doit être la dépossession des individus, la mainmise de la collectivité, c’est-à-dire de l’Etat, sur toutes les activités et tous les biens. Ainsi sera réalisée l’égalité sociale, aux dépens des libertés et des initiatives privées. Telle est la vertu du socialisme, qui redistribue les richesses mais ne se soucie guère de les créer.
(p. 363-364)
Il n’est pas question ici de refaire chronologiquement, après tant d’historiens, le récit événementiel et linéaire de la Terreur. Comme pour la Révolution dans son ensemble, je n’ai que l’ambition de déceler ce que la Terreur a coûté à la France et aux Français, ou ce qu’elle leur a apporté. Du bilan humain au bilan monétaire, il est aujourd’hui possible de faire les comptes.
La Terreur finit par engendrer la contre-Terreur.
C’est l’engrenage révolutionnaire, engrenage qui implique un enchaînement de causes et d’effets dans tous les domaines : sur le terrain militaire, sur le terrain politique et sur le terrain économique.
Sur le terrain des armes : la République naissante, qui défie les rois, a besoin de la guerre. La guerre requiert la dictature. La dictature implique la contrainte. La contrainte engendre la Terreur.
Sur le terrain politique : la Révolution suscite la contre-Révolution, et pour tenir tête à la contre-Révolution, il faut recourir à la Terreur. Parallèlement, la Révolution, phénomène essentiellement parisien, soulève les ripostes de la province, qui soulignent la nécessité de la centralisation, laquelle ne peut s’imposer que dans la Terreur.
Les sans-culottes parisiens, qui représentent la seconde force de frappe, touchent eux-mêmes quarante sous pour chaque séance de section, s’ils assurent n’avoir pas d’autre ressource. La colère des émeutiers n’est pas gratuite.
Si les meneurs de jeu savent ainsi mettre en branle les patriotes, ils ne savent assurément pas comment évoluera la « journée », ni quel sera son aboutissement, ni quel en sera le prix humain. Il importe seulement que Paris donne au monde l’impression de vouloir en finir avec ce qui subsiste de l’institution monarchique.