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Citation de Partemps


Est-ce-que Proust vous a marqué ?
Non, j'ai essayé de le lire, mais je n'ai aucun plaisir à le lire, pour des raisons hédoniques. J'ai
l'impression d'un monde très riche, très minutieux, très délicat, cela ne m'intéresse pas. Je cherche
toujours quelque chose d'épique, et cela n'est pas dans Proust. Cela se trouve dans Conrad,
Kipling, Stevenson, Hugo, La Chanson de Roland. Dans le cas de Proust, il n'a pas cherché
l'épique, il ne l'a pas trouvé non plus. C'est une quête où l'on pense surtout aux défauts des gens,
dans le cas de l'épique on exalte quelqu'un. Chez Proust, on est découragé, et les personnages
sont découragés aussi. Je n'ai pas le droit de juger Proust, je ne le connais que fort peu. Dans le
cas de Kafka, il n'y a rien d'épique, tout est très mesquin, très triste. Mais il a une belle imagination.
Comment expliquez-vous votre succès ?
J'ai beaucoup réfléchi à ce sujet-là, mais je crois que mon « succès » est dû au fait que l'on attend
quelque chose d'un écrivain sud-américain. Comme on ne trouve pas cette chose chez moi, alors
on est étonné; on cherche de la couleur locale, des convictions politiques, des gens de gauche, et
comme on trouve chez moi quelque chose de différent, on est étonné, et puis on est agréablement
étonné peut-être. Dans le cas de Marquez, c'est un excellent écrivain, on trouve ce que l'on
attendait : la couleur locale, les indiens... Dans mon cas, on trouve un monsieur qui peut être aussi
genevois, anglais, ou normand, pas si américain. Je crois que cela explique un peu les choses;
c'est le plaisir de l'inattendu. Ou peut-être, comme on a oublié Kafka, Poe, Chesterton, Hugo, Bloy,
alors on les retrouve chez moi, légèrement déguisés et on les aime. Quant à Sabato, il est plus
intelligent que ce qu'il écrit.
Avez-vous lu Sobre héroes y tumbas [traduit en français par Alejandra20] ?
Non, j'ai lu un livre dont je ne me souviens plus. Je n'ai pas lu ses romans, ça me coûte un vrai effort
de lire des romans. Il faut connaître d'un coup plein de gens, se rappeler qui est le père, la fille, le
mari, l'amant. Tout cela exige un effort qui me coûte, surtout à mon âge.
Marquez a reçu le prix Nobel, or vous avez déclaré un jour : « On donne un prix très
important à un monsieur quelconque pour dire que celui qui n'a pas obtenu le prix est aussi
médiocre que celui qui l'a obtenu ».
Non, dans ce cas, c'est juste. Marquez est très grand écrivain, Cent ans de solitude est un très
beau livre. Cela décline un peu vers la fin. C'est un prix très juste, tandis que le prix que l'on a
donné à Gabriela Mistral, cela n'avait aucun sens.
Et pour vous, un prix, ça a une importance ?
Oui, c'est un symbole, et les symboles sont très importants. J'ai reçu il y a quelques jours un ordre
du Portugal. Ce nom est très beau : Vice Officier de Santiago da Espada. C'est la plus haute
décoration du Portugal.
Est-ce que la patrie, la nation, cela veut dire encore quelque chose pour vous aujourd'hui ?
J'essaie d'être un bon cosmopolite. Le mot « patrie » dans le sens le plus proche, oui. Pour moi,
Buenos Aires veut dire bien plus que la République Argentine. Dans le cas de la France, dire « la
France » c'est dire un mot essentiel. C'est un nom ancien tandis que les noms de pays d'ici sont
nouveaux et un peu arbitraires.
J'ai vu sur une petite affiche, en bas de chez vous : « Noël, fête de la famille, noyau
fondamental de la nation ». Vous croyez en la famille ?
Oui, mais j'ai l'impression qu'elle n'existe plus. C'est le cas des U.S.A. Ici, si on dit : « c'est mon
cousin », c'est important. J'ai l'impression qu'aux U.S.A., personne n'a de cousin, ou de frère : ils
sont tous divorcés.
Vous prenez toujours position par rapport aux « disparus » ?
Sans doute, je ne suis pas fou.
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