Barbara et Antoine conversaient moins qu'ils ne monologuaient. Chacun d'eux suivait le fil de sa pensée, l'accrochant au petit bonheur à la dernière phrase de l'autre sans se soucier de répondre à une question, d'enchaîner un raisonnement à un autre raisonnement. Ainsi grandissait entre eux l'abîme qu'ils se flattaient de supprimer. Absents l'un de l'autre, ils se croyaient unis, fondus, confondus en un seul être, alors que, moralement, ils supprimaient leur interlocuteur et projetaient à sa place une image embellie d'eux-mêmes. Ils se croyaient deux, mais ils étaient chacun seuls ou, si l'on veut, quatre : Barbara et Barbara, Antoine et Antoine.