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Citation de coco4649


La brigade des jeux [1]


Où est-il le temps des galères et celui des caravelles ? Il est loin comme une minute de sable dans le trébuchet du destin.

Le nouveau corsaire vêtu d’un smoking est à l’avant de son yacht rapide qui de son sillage blanc singeant les princesses des cours périmées, heurte dans sa course tantôt le corps des naufragés errant depuis des semaines, tantôt le coffre mystérieux promené entre deux eaux par des courants doux à la suite d’une tentative de cambriolage sur un transatlantique, tantôt, enveloppé d’un ridicule drapeau, le corps de celui qui décéda avant d’arriver au port, tantôt la troublante arête-squelette d’une sirène défunte pour avoir, une nuit, traversé sans son diadème de méduses les eaux d’une tempête éclairées par un phare puissant perdu loin des côtes et proie des oiseaux fantômes.

Car il y a des fantômes d’oiseaux. Ceux-ci, dès que le jour se lève, montent plus haut que les alouettes et l’ombre à peine perceptible de leurs ailes tamise doucement la lumière du soleil. Bonheur alors à la poitrinaire abritée de la sorte ! Sa respiration reposera sur un mol oreiller d’air tranquille et son fiancé, attentif au frémissement de ses lèvres, distinguera distinctement sur elles un sourire de lac. Parfois, ces grands oiseaux protecteurs, morts depuis les dernières années des périodes géologiques où les hommes apparurent, sentent leurs ailes se replier et se tordre, un grand tourbillon naît de leur souffrance et les fossoyeurs appuyés sur leur pelle calculent mentalement le nombre de morts qui les séparent du repos gagné à la sueur de leur corps.

Au soir, les oiseaux fantômes regagnent leur nid dans les glaciers transparents et le crépuscule est plein du bruissement de leur vol de rêve et les échos, parfois, de leur cri qui, sans le secours de l’appareil auditif, retentit longuement dans l’âme des solitaires.

Cependant, les restes funéraires des sirènes ne restent pas insensibles à ces migrations horaires. D’une nage saccadée, leur squelette remonte le cours des fleuves jusqu’aux sources montagneuses. Une étreinte mythologique unit leurs débris calcaires au spectre ailé puis le cours des fleuves se fait plus rapide pour les ramener à la mer.

Quand l’étrave d’un bateau rencontre le squelette d’une sirène, l’eau devient immédiatement phosphorescente, puis l’écume de la mer se solidifie en forme de ces pipes si renommées dans les villes de l’intérieur. Les pêcheurs en ramènent de grandes quantités dans leurs filets et cela jusqu’à ce que le squelette même de la sirène soit ramené sur le pont.
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