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Citation de Charybde2


Il est un autre point, dans le Vicomte, que je trouve incomparable. Je ne puis citer aucune autre œuvre d’imagination où la fin de la vie est représentée avec un tact aussi délicat. On me demandait l’autre jour si Dumas me faisait rire ou pleurer. Eh bien, je viens de terminer ma cinquième lecture du Vicomte, j’ai ri une fois de la petite affaire Coquelin de Volière et peut-être en ai-je été un peu surpris – aussi, à titre de compensation, j’ai souri le reste du temps. Quant aux larmes, je ne sais pas. Si vous me mettez un pistolet sur la gorge, j’avouerai que le récit va d’un pas très aérien – en se maintenant dans une certaine irréalité. Et pour ceux qui aiment les gros coups de canon, le déploiement des grandes passions, il peut même paraître, du début à la fin, quelque peu insuffisant. Pas pour moi : je ne puis tenir pour médiocre un dîner, ou un livre, où je rencontre ceux que j’aime, et par-dessus tout, dans ce dernier volume, où je découvre un singulier charme de l’esprit. On y respire une plaisante et tonique tristesse, toujours vaillante, jamais hystérique. Sur la vie encombrée et bruyante de cette longue histoire, le soir tombe progressivement ; les lumières sont éteintes, les héros disparaissent un par un. Un par un ils s’en vont et aucun regret ne teinte leur départ d’amertume, les jeunes leur succèdent, Louis XIV prend de l’ampleur, et brille de plus en plus, une autre génération, une autre France se lèvent à l’horizon, mais pour nous et pour ces vieux hommes que nous avons si longtemps aimés, l’inévitable fin approche, et elle est la bienvenue. Bien lire cela, c’est anticiper sur l’expérience. Ah, si seulement nous pouvions espérer, quand ces heures des longues ombres arriveront sur nous dans la réalité et non plus en images, les affronter avec un esprit aussi paisible !
Mais mon article se termine ; les canons du siège tonnent à la frontière de Hollande ; et je dois dire adieu pour la cinquième fois à mon vieux camarade tombé au champ d’honneur. Adieu… ou plutôt au revoir ! Une sixième fois encore, très cher d’Artagnan, nous enlèverons Monk et nous galoperons ensemble vers Belle-Isle. (« À propos d’un roman de Dumas », 1887)
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